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Jacques Ziller
Première séance de travail — L’arrêt
des Nations», avait été rejeté par les autres gouvernements, y compris celui de
l’Allemagne fédérale, dirigé par Konrad Adenauer; la mise en œuvre de la po-
litique agricole commune, prévue par le traité instituant la Communauté eu-
ropéenne (traité CEE) était en panne. Les ambitions du traité Euratom avaient
été reléguées à la portion congrue. La période des quelques années qui suivent,
jusqu’à l’entrée en vigueur de l’union douanière le 1
er
juillet 1968 anticipée de
six mois par rapport aux délais prévus dans le traité CEE, est une période mar-
quée en particulier par: la négociation, sur la base d’une proposition des Pays-
Bas, présentée deux ans auparavant, de ce qui deviendra le traité de fusion du
8 avril 1965; la «politique de la chaise vide» française lors du second semestre
1965; et le dénommé «compromis de Luxembourg» du 29 janvier 1966.
Paolo Gori a déjà indiqué l’importance qu’a eue la nomination des juges
Alberto Trabucchi et Robert Lecourt dans les choix opérés par la Cour dans
l’arrêt
Van Gend en Loos
. Il vaut la peine de souligner le paradoxe qui réside
dans le fait que c’est précisément Charles de Gaulle — tellement opposé au
caractère supranational du projet entrepris douze ans auparavant par Jean
Monnet et Robert Schuman — qui a envoyé Robert Lecourt à Luxembourg.
Ce dernier avait été plusieurs fois ministre sous la IV
e
République, et avait fait
partie du gouvernement de large coalition dirigé par Michel Debré depuis jan-
vier 1959, après l’élection du général de Gaulle à la présidence de la République.
Or, Lecourt et les autres ministres du parti chrétien démocrate MRP avaient
démissionné du gouvernement Debré le 24 août 1961, reprochant au Premier
ministre de ne pas être «l’homme du dialogue» qu’il fallait pour mettre fin à
la guerre d’Algérie. Le 8 avril 1962, le MRP s’était néanmoins prononcé en
faveur du oui au référendum proposé par de Gaulle sur la ratification des ac-
cords d’Évian, qui ont mis fin à cette guerre, et, le 14 avril, le MRP avait obtenu
cinq postes de ministre dans le gouvernement Pompidou, à peine constitué,
et Robert Lecourt avait été désigné comme nouveau juge à la Cour de justice
des Communautés européennes, pour succéder à Jacques Rueff. À peine un
mois après, le 15 mai 1962, le général de Gaulle se prononçait en faveur d’une
«Europe des patries» et s’opposait à la continuation des négociations portant
sur l’adhésion du Royaume-Uni à la CEE, ce qui entraîna à nouveau la démis-
sion des ministres MRP. Mais Robert Lecourt était déjà nommé à la Cour de
justice, où il prit ses fonctions le 18 mai.
Pour ce qui est des termes «réactions des milieux institutionnels», je les
interprète comme se référant aux membres et fonctionnaires des institutions
des trois communautés — CECA, CEE et Euratom. J’interprète le mot «natio-
naux» comme se référant aux gouvernements, parlements et juridictions des