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First working session — The judgment
dans la version italienne était dû à la volonté expresse d’Alberto Trabucchi
d’éviter que les juges ou la doctrine italienne se refusent à donner toute sa
dimension à la doctrine de l’applicabilité directe sous prétexte qu’il ne se serait
agi que d’intérêts légitimes, pour lesquels la possibilité d’une mise en jeu de la
responsabilité de l’État était exclue (
21
).
Cette problématique a été mise en lumière en particulier par Jean Boulouis
et Roger-Michel Chevallier dans leurs «Grands arrêts» de la CJCE, dont la pre-
mière édition date de 1974. R.-M. Chevallier était l’assistant de Robert Lecourt
au moment de l’arrêt
Van Gend en Loos,
ce qui donne un poids particulier
à cet ouvrage dans le cadre du présent exposé. Leur commentaire à l’arrêt
Salgoil
du 19 décembre 1968 (
22
) mérite d’être cité, s’agissant d’une affaire qui
rentre dans le cadre de la période ici examinée: «[…] il faut avoir présente à
l’esprit la distinction opérée par le droit italien entre les “droits subjectifs” et
les “intérêts légitimes”, […] le critère de répartition des compétences entre
la juridiction administrative et les tribunaux judiciaires. Il suffit de relire la
question telle qu’elle était posée au juge communautaire pour s’apercevoir que
cette distinction y était sous-jacente […] Là n’était cependant pas l’essentiel
ni le principal […] Le gouvernement italien n’en prit pas moins prétexte pour
mettre la Cour en garde contre l’immixtion que constituerait de sa part la
résolution du problème interne de répartition des compétences sur lequel elle
n’avait pas à se prononcer. La Cour […] après avoir supprimé l’adjectif indivi-
duel qu’elle appliquait d’habitude aux droits nés des dispositions directement
applicables, […] concéda, comme on a pu le remarquer, “qu’il appartient à
l’ordre juridique de chaque État membre de désigner la juridiction compétente
et, à cet effet, de qualifier ces droits selon les critères du droit interne”» (
23
).
Comme on le voit, on peut compter les observations du gouvernement italien
dans l’affaire
Salgoil
au nom des rares réactions institutionnelles à l’arrêt
Van
Gend en Loos
qui s’attachent à un aspect particulier de la doctrine de l’appli-
cabilité directe.
Il ne me semble pas qu’il y ait eu, au cours de la période examinée, des
réactions très articulées en ce qui concerne les conditions de l’applicabilité
(
21
) Voir les publications de Nicola Catalano et de Paolo Gori, précitées notes 13 et 14, sont à lire
dans ce contexte.
(
22
) Boulouis, J., et Chevallier, R.-M.,
Grands arrêts de la Cour de justice des Communautés
européennes,
Paris, Dalloz, 1974; en l’espèce, il s’agit des commentaires à l’arrêt du
19 décembre 1968 dans l’affaire 13/68,
Salgoil/Ministero del commercio con l’estero,
Rec.
p. 661.
(
23
) La formulation citée est celle de la 4
e
édition des Grands arrêts précités, 1984, p. 172.