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Jacques Ziller
Première séance de travail — L’arrêt
les ressortissants des États membres peuvent avoir directement sur la base de cet
article des droits que le juge doit protéger.»
Il ne me semble pas que les réactions
à l’arrêt se soient focalisées pendant la période concernée sur la réponse que
la Cour donna à cette question, à savoir, selon le texte français de l’arrêt, que
«l’article 12 doit être interprété en ce sens qu’il produit des effets immédiats
et engendre des droits individuels que les juridictions internes doivent sauve
garder».
Ce n’est que plus tard, à partir des années 70 me semble-t-il, que la doctrine
a commencé, notamment dans les manuels de droit communautaire, à écha-
fauder des théories tentant de distinguer les notions d’applicabilité directe,
d’effet direct, d’effet immédiat, etc., en particulier en opposant les formula-
tions de la Cour à celle de l’article 189 du traité CEE selon lequel le règlement
«est directement applicable».
Ce type de construction, à ce qu’il me semble, re-
pose sur une exégèse à la fois exagérée — en ce qu’elle cherche une intention de
la Cour là où il n’y en avait pas — et incomplète, car elle ne prend en compte ni
la formulation exacte de la question préjudicielle de la Tariefcommissie dans
la langue originale — sur laquelle se base le concept d’applicabilité directe
dans l’arrêt de la Cour —, ni les différentes formulations de l’arrêt dans les
quatre langues en vigueur dans les traités pour la période qui nous intéresse.
De même, il ne me semble pas qu’il y ait eu des réactions approfondies
quant aux différences d’approche de l’avocat général Roemer, qui, tout en ad-
mettant la possibilité de l’applicabilité directe des dispositions du traité CEE,
la déniait en ce qui concerne le cas spécifique de l’article 12. Ce n’est, là encore,
que plus tard que la doctrine a commencé à relever les possibles divergences
entre membres de la Cour, puisqu’on a su que l’arrêt avait été adopté à la majo-
rité, sans toutefois s’interroger sur quoi portaient exactement les divergences.
J’ai déjà eu l’occasion ailleurs (
20
) de relever les différences de vocabulaire
entre la version italienne de l’arrêt, qui parle explicitement de «diritti sog-
gettivi», et les trois autres versions, qui n’utilisent pas ces termes, ce qui a pu
mener par la suite à des différences d’un pays à l’autre dans la focalisation
et le contenu des commentaires doctrinaux de la jurisprudence
Van Gend
en Loos,
en fonction des différences importantes entre États membres en ce
qui concerne les conséquences techniques attribuées, notamment en matière
contentieuse, aux notions de droit, de droit subjectif, ou d’intérêt, et d’intérêt
légitime. Paolo Gori nous a indiqué que le choix des termes «diritti soggettivi»
(
20
) Voir note 2.