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Jacques Ziller
Première séance de travail — L’arrêt
européens dirigé par Michel Gaudet — ont été immédiates, fortes et favorables
à l’arrêt
Van Gend en Loos,
et ont insisté sur le lien entre applicabilité directe
et primauté bien avant l’arrêt
Costa/ENEL,
en mettant fortement en évidence
l’idée de l’
«ordre juridique nouveau»
créé par le droit communautaire.
Les réactions du monde scientifique de l’époque, qui sont sur la même
ligne favorable à l’arrêt, sont à considérer à la lumière du dédoublement fonc-
tionnel exercé par nombre de juges et référendaires publiant dans les revues
juridiques et dans des journaux destinés à un public plus large. Ce n’est que
plus tard qu’une discussion plus détaillée de la doctrine de l’applicabilité di-
recte se développera. Rappelons que les revues spécialisées de droit commu-
nautaire venaient à peine de naître: la
Rivista di diritto europeo,
qui a cessé de
paraître après 1989, avait été fondée en 1961; la
Common Market Law Review
en 1963; les
Cahiers de droit européen
et la
Revue trimestrielle de droit euro-
péen
en 1965;
Europarecht
en 1966.
Quant aux réactions institutionnelles nationales, il me semble indispen-
sable de souligner qu’elles ont été pratiquement inexistantes en ce qui concerne
l’arrêt
Van Gend en Loos,
et que même pour ce qui est de l’arrêt
Costa/ENEL,
les réactions réticentes de la part de certaines cours suprêmes ou constitution-
nelles sont bien postérieures à la période ici considérée. En particulier, il me
semble erroné d’interpréter la décision de la Corte costituzionale dans l’affaire
Costa/ENEL
comme une réaction négative à la jurisprudence de Luxembourg:
c’est l’inverse qui se produit, car, comme le montre la chronologie, la Cour de
Luxembourg réagit à celle de Rome. Pour ce qui est des réactions en prove-
nance de la France et de l’Allemagne, il faut attendre respectivement l’arrêt du
Conseil d’État français du 1
er
mars 1968,
Syndicat général des fabricants de se-
moules de France,
et, pour le Bundesverfassungsgericht, l’arrêt dit
«Solange I»
du 29 mai 1974 pour avoir une indiscutable réaction directe à la jurisprudence
Van Gend en Loos
et
Costa/ENEL
de février 1963 et juillet 1964.
Entre-temps, le 18 juillet 1967, le Bundesfinanzgerichtshof avait demandé
à la Cour si elle maintenait sa position dans l’arrêt du 16 juin 1966 dans l’af-
faire 57/65,
Lütticke,
relativement à l’applicabilité directe de l’article 95, pre-
mier alinéa, du traité, et la Cour avait réagi négativement. Il est utile d’indi-
quer à ce propos que le renvoi préjudiciel en 1967 n’était pas le fruit d’une
interrogation de portée théorique, mais qu’il était dû aux suites d’un arrêt
du Finanzgericht
de la Sarre, qui, à la suite d’un renvoi préjudiciel, avait dû
tirer les conséquences de l’applicabilité directe de cette disposition des trai-
tés, reconnaissant aux contribuables le droit de se prévaloir de la règle de
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