L’activité judiciaire

A | La Cour de justice en 2022
B | Le Tribunal en 2022
C | La jurisprudence en 2022

 
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A | La Cour de justice en 2022

La Cour de justice peut principalement être saisie de :

  • demandes de décision préjudicielle
    Lorsqu’un juge national a des doutes sur l’interprétation d’une norme de l’Union ou sur sa validité, il suspend la procédure qui se tient devant lui et saisit la Cour de justice. Une fois éclairé par la décision rendue par la Cour de justice, le juge national peut alors résoudre le litige qui lui est soumis. Dans les affaires appelant une réponse dans un délai très bref (par exemple en matière d’asile, de contrôle aux frontières, d’enlèvements d’enfants, etc.), une procédure préjudicielle d’urgence (« PPU ») est prévue ;
  • recours directs, qui visent à :
    • obtenir l’annulation d’un acte de l’Union (« recours en annulation ») ou
    • faire constater qu’un État membre ne respecte pas le droit de l’Union (« recours en manquement »). Si l’État membre ne se conforme pas à l’arrêt ayant constaté son manquement, un second recours, appelé recours en « double manquement », peut conduire la Cour de justice à lui infliger une sanction pécuniaire ;
  • pourvois, dirigés contre les décisions rendues par le Tribunal, à l’issue desquels la Cour de justice peut annuler la décision du Tribunal ;
  • demandes d’avis sur la compatibilité avec les traités d’un accord que l’Union envisage de conclure avec un État tiers ou une organisation internationale (introduites par un État membre ou par une institution européenne).

L’activité et l’évolution de la Cour de justice

La composition de la Cour de justice n’a pas connu de changement en 2022, tout comme les textes qui régissent ses activités, le statut de la Cour de justice de l’Union européenne et le règlement de procédure.

Après deux années impactées par la crise sanitaire, l’année 2022 a été celle de la réintégration généralisée du personnel dans les locaux de l’institution et d’un retour à des conditions normales de fonctionnement, notamment en ce qui concerne la tenue des audiences. Les développements technologiques dictés par les mesures sanitaires des deux années précédentes ont toutefois été mis à profit pour concrétiser certains projets importants visant à rapprocher la justice européenne du citoyen.

La Cour de justice offre ainsi, depuis le 26 avril 2022, un système de streaming des audiences qui, à l’image du projet de visites à distance lancé en 2021, entend renforcer sa dimension de « Cour citoyenne », plus accessible au grand public. Les retransmissions sont conçues afin de permettre à toute personne qui le souhaite de suivre les audiences dans les mêmes conditions que si elle était physiquement présente à Luxembourg, dans la salle d’audience, grâce à une interprétation simultanée des débats dans les langues nécessaires au bon déroulement de l’audience.

Sur le plan statistique, l’année 2022 aura une nouvelle fois été marquée par une activité soutenue. 806 affaires ont ainsi été portées devant la Cour de justice. Comme les années précédentes, il s’agit, pour l’essentiel, de demandes de décision préjudicielle et de pourvois qui, avec respectivement 546 et 209 affaires, représentent à eux seuls plus de 93 % de l’ensemble des affaires introduites en 2022. Celles-ci abordent des domaines aussi variés et sensibles que la préservation des valeurs fondamentales de l’Union européenne, la protection des données à caractère personnel et la protection des consommateurs ou de l’environnement, sans oublier la fiscalité, la concurrence et les aides d’État. L’on notera par ailleurs plusieurs affaires liées à la crise sanitaire ou à la guerre en Ukraine.

808 affaires ont été clôturées par les différentes formations de jugement de la Cour de justice. Un nombre élevé (78) a été jugé par la grande chambre et deux d’entre elles, portant sur le lien entre le respect de l’État de droit et l’exécution du budget de l’Union, ont été tranchées par l’assemblée plénière (affaires C‑156/21, Hongrie/Parlement et Conseil, et C‑157/21, Pologne/Parlement et Conseil).

En raison d’un recours fréquent aux ordonnances, singulièrement en matière de pourvois, la durée globale des procédures (16,4 mois) est restée similaire à celle de l’année précédente (16,6 mois), mais, signe de la complexité accrue des questions soumises à la Cour de justice, on relèvera un allongement de la durée moyenne de traitement des préjudicielles (17,3 mois, contre 16,7 mois en 2021).

Au 31 décembre 2022, le nombre d’affaires pendantes devant la Cour de justice s’élevait à 1 111 affaires soit, à deux unités près, le même nombre qu’au 31 décembre 2021 (1 113 affaires).

Eu égard à ces statistiques, et compte tenu du fait que, depuis juillet 2022, le Tribunal est doté de 54 juges (deux par État membre) par l’effet de l’achèvement de la réforme de l’architecture juridictionnelle de l’Union décidée en 2015, la Cour de justice a adressé au législateur de l’Union une demande de modification du statut portant sur deux points. Sa finalité est de permettre à la Cour de justice de préserver sa capacité de rendre des décisions de qualité dans un délai raisonnable, mais aussi de se concentrer davantage sur ses missions centrales de juridiction constitutionnelle et suprême de l’Union.

En premier lieu, la demande de modification consiste à transférer au Tribunal la compétence préjudicielle dans cinq matières clairement circonscrites, qui soulèvent rarement des questions de principe, bénéficient d’un socle solide de jurisprudence de la Cour de justice et qui représentent, en outre, un nombre d’affaires suffisamment important pour que le transfert envisagé produise un réel effet sur sa charge de travail : le système commun de la TVA, les droits d’accise, le code des douanes et le classement tarifaire de marchandises dans la nomenclature combinée, l’indemnisation et l’assistance des passagers, ainsi que le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre.

La compétence préjudicielle du Tribunal dans une affaire serait sans préjudice de la faculté, pour ce dernier, de renvoyer celle-ci devant la Cour de justice s’il estime qu’elle appelle une décision de principe susceptible d’affecter l’unité ou la cohérence du droit de l’Union. La Cour de justice disposerait également de la possibilité de procéder, à titre exceptionnel, au réexamen de la décision rendue par le Tribunal en cas de risque sérieux d’atteinte à cette unité ou à cette cohérence.

En deuxième lieu, dans un contexte marqué par un nombre élevé de pourvois contre les décisions du Tribunal, afin de maintenir l’efficacité de cette procédure et de permettre à la Cour de justice de se concentrer sur les pourvois qui soulèvent des questions de droit importantes, la demande législative préconise une extension du mécanisme d’admission préalable des pourvois entré en vigueur le 1er mai 2019 (article 58 bis du statut).

Cette extension concernerait les pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur des décisions des chambres de recours indépendantes de certains organes de l’Union qui n’avaient initialement pas été mentionnés à l’article 58 bis du statut lors de son entrée en vigueur le 1er mai 2019 (par exemple, l’Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer et celle pour la coopération des régulateurs de l’énergie, l’Autorité bancaire européenne, ou encore l’Autorité des marchés financiers et celle des assurances et des pensions professionnelles).

Koen Lenaerts

Président de la Cour de justice de l’Union européenne

806 affaires introduites

546 procédures préjudicielles dont procédures préjudicielles d’urgence (PPU)

Principaux États membres d’origine des demandes :

Allemagne 98

Italie 63

Bulgarie 43

Espagne 41

Pologne 39

37 recours directs dont 35 recours en manquement et 2 recours en « double manquement »

209 pourvois introduits contre les décisions du Tribunal

6 demandes d’aide juridictionnelle

Une partie qui n’est pas en mesure de faire face aux frais de l’instance peut demander à bénéficier de l’aide juridictionnelle.

808 affaires réglées

546 procédures préjudicielles dont 7 procédures préjudicielles d’urgence (PPU)

36 recours directs dont 17 manquements constatés contre 12 États membres

196 pourvois contre les décisions du Tribunal dont 38 ont annulé la décision adoptée par le Tribunal

1 avis

Durée moyenne des procédures : 16,4 mois

Durée moyenne des procédures préjudicielles d’urgence : 4,5 mois

1 111 affaires pendantes au 31 décembre 2022

Principales matières traitées

Aides d’État 58

Concurrence 64

Droit institutionnel 38

Environnement 46

Espace de liberté, de sécurité et de justice 132

Fiscalité 80

Politique sociale 73

Propriété intellectuelle 33

Protection des consommateurs 77

Rapprochement des législations 89

Les membres de la Cour de justice

La Cour de justice est composée de 27 juges et de 11 avocats généraux.

Les juges et les avocats généraux sont désignés d’un commun accord par les gouvernements des États membres, après consultation d’un comité chargé de donner un avis sur l’adéquation des candidats proposés à l’exercice des fonctions en cause. Leur mandat est de six ans, renouvelable.

Ils sont choisis parmi des personnalités offrant toutes les garanties d’indépendance et qui réunissent les conditions requises pour l’exercice, dans leur pays respectif, des plus hautes fonctions juridictionnelles ou qui possèdent des compétences notoires.

Les juges exercent leurs fonctions en toute impartialité et indépendance.

Les juges de la Cour de justice désignent parmi eux le président et le vice-président. Les juges et les avocats généraux nomment le greffier pour un mandat de six ans.

Les avocats généraux sont chargés de présenter, en toute impartialité et en toute indépendance, un avis juridique, dénommé « conclusions » dans les affaires dont ils sont saisis. Cet avis n’est pas contraignant, mais permet d’apporter un regard complémentaire sur l’objet du litige.

En 2022, aucun nouveau membre n’a été nommé à la Cour de justice.

K. Lenaerts

Président

L. Bay Larsen

Vice-président

A. Arabadjiev

Président de la Ire chambre

A. Prechal

Présidente de la IIe chambre

K. Jürimäe

Présidente de la IIIe chambre

C. Lycourgos

Président de la IVe chambre

E. Regan

Président de la Ve chambre

M. Szpunar

Premier Avocat général

M. Safjan

Président de la VIIIe chambre

P. G. Xuereb

Président de la VIe chambre

L. S. Rossi

Présidente de la IXe chambre

D. Gratsias

Président de la Xe chambre

M. L. Arastey Sahún

Présidente de la VIIe chambre

J. Kokott

Avocate générale

M. Ilešič

Juge

J.-C. Bonichot

Juge

T. von Danwitz

Juge

S. Rodin

Juge

F. Biltgen

Juge

M. Campos Sánchez-Bordona

Avocat général

N. J. Cardoso da Silva Piçarra

Juge

G. Pitruzzella

Avocat général

I. Jarukaitis

Juge

P. Pikamäe

Avocat général

A. Kumin

Juge

N. Jääskinen

Juge

N. Wahl

Juge

J. Richard de la Tour

Avocat général

A. Rantos

Avocat général

I. Ziemele

Juge

J. Passer

Juge

A. M. Collins

Avocat général

M. Gavalec

Juge

N. Emiliou

Avocat général

Z. Csehi

Juge

O. Spineanu-Matei

Juge

T. Ćapeta

Avocate générale

L. Medina

Avocate générale

A. Calot Escobar

Greffier

Ordre protocolaire à partir du 07/10/2022

B | Le Tribunal en 2022

Le Tribunal peut principalement être saisi, en première instance, des recours directs formés par les personnes physiques ou morales, lorsqu’elles sont individuellement et directement concernées (individus, sociétés, associations, etc.) et par les États membres contre les actes des institutions, organes ou organismes de l’Union européenne, ainsi que des recours directs visant à obtenir la réparation des dommages causés par les institutions ou leurs agents.

Une large partie de son contentieux est de nature économique : propriété intellectuelle (marques, dessins et modèles de l’Union européenne), concurrence, aides d’État et surveillance bancaire et financière.

Le Tribunal est également compétent pour statuer en matière de fonction publique sur les litiges entre l’Union européenne et ses agents.

Les décisions du Tribunal peuvent faire l’objet d’un pourvoi, limité aux questions de droit, devant la Cour de justice. Dans les affaires ayant déjà bénéficié d’un double examen (par une chambre de recours indépendante, puis par le Tribunal), la Cour de justice admet la demande de pourvoi uniquement s’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

L’activité et l’évolution du Tribunal

L’année 2022 a marqué le retour de la guerre sur notre continent. Ce terrible événement doit être un moment de prise de conscience collective pour tous les européens. La paix n’est jamais acquise et requiert un engagement de tous. Notre institution est au cœur de cet engagement. La Cour de justice et le Tribunal ont en effet pour mission d’assurer le respect de la règle de droit et d’œuvrer pour la protection de la dignité humaine. Dans l’Union, les conflits ne se règlent pas par les menaces et les armes, mais par la discussion et le droit. Dans ce contexte, le Tribunal est notamment appelé, parfois dans des délais très courts, à contrôler la légalité des mesures restrictives adoptées par l’Union à l’égard de personnes ou entités liées à l’agression perpétrée par la Fédération de Russie depuis février 2022. L’arrêt dans l’affaire RT France/Conseil a ainsi pu être rendu, par la grande chambre du Tribunal, dans le cadre d’une procédure accélérée, cinq mois après son introduction. À ce jour, plus de 70 affaires de mesures restrictives liées au conflit armé ont été introduites. C’est l’honneur de notre Union que de telles mesures ne soient pas marquées du sceau de l’arbitraire et fassent donc l’objet d’un contrôle par des juges indépendants et impartiaux.

Plus que jamais, les affaires portées devant le Tribunal ont reflété les grands enjeux sociétaux auxquels notre continent est confronté. Au-delà des mesures restrictives, qui ne concernent pas que l’agression de l’Ukraine, il s’agit notamment de la régulation concurrentielle des géants du numérique et de l’encadrement des aides étatiques, notamment dans le domaine fiscal et dans le secteur de l’énergie et de l’environnement. Il s’agit également du droit bancaire et financier, de la protection des données personnelles, de la politique commerciale commune ou encore de la régulation des marchés de l’énergie. Au vu des développements législatifs récents et du contexte international marqué par des tensions toujours plus importantes, le contrôle de la légalité des actes des institutions de l’Union pourrait être amené à s’intensifier.

Qu’on ne s’y trompe pas : le Tribunal est pleinement conscient de ses responsabilités. Il dispose des ressources pour y faire face. La juridiction a notamment connu l’arrivée de huit nouveaux membres lors de l’année écoulée, marquant ainsi l’achèvement de la réforme initiée par le règlement 2015/2422. Constituée maintenant de 54 membres, la juridiction dispose enfin de deux juges par État membre. En vue de la nouvelle période triennale qui s’est ouverte en septembre 2022, elle a également mené des réflexions plus poussées sur son organisation et ses méthodes de travail, en mettant l’accent sur l’approfondissement du contrôle juridictionnel, sur l’accompagnement des parties au litige tout au long de l’instance et sur la durée des procédures (16,2 mois en moyenne pour 2022). Le Tribunal ainsi renforcé et réorganisé s’est donné un cap : celui de rendre une justice de qualité, compréhensible par le justiciable, dans des délais cohérents avec les attentes du monde d’aujourd’hui.

L’architecture juridictionnelle de l’Union doit continuellement s’adapter aux défis de notre temps. C’est dans cet état d‘esprit que la Cour de justice a introduit en novembre 2022 une demande législative visant notamment à définir les matières spécifiques dans lesquelles le Tribunal pourrait être compétent pour connaître des questions préjudicielles soumises par les juridictions des États membres (article 256 TFUE). Le Tribunal est disponible pour soutenir la Cour de justice, qui doit faire face à une charge de travail croissante. Étroitement associé aux réflexions ayant mené à cette initiative, le Tribunal prépare d’ores et déjà sa mise en œuvre.

Marc van der Woude

Président du Tribunal

904 affaires introduites

858 affaires réglées

760 recours directs dont :

1 474 affaires pendantes au 31 décembre 2022

Principales matières du recours

Innovations jurisprudentielles

Au Tribunal comme ailleurs, une actualité chasse l’autre. Alors que les litiges nés de la pandémie de Covid‑19 le conduisent encore sur des sentiers inexplorés, comme en témoigne l’arrêt Roos e.a./Parlement du 27 avril 2022 (T‑710/21, T‑722/21 et T‑723/21) examinant pour la première fois la légalité de certaines restrictions imposées par les institutions de l’Union européenne en vue de protéger la santé de leur personnel, l’agression militaire perpétrée par la Fédération de Russie contre l’Ukraine le 24 février 2022 a donné naissance à un nouveau foyer contentieux. Aussi, dans son arrêt RT France/Conseil du 27 juillet 2022 (T‑125/22), le Tribunal, réuni en grande chambre, s’est prononcé de manière inédite, au terme d’une procédure accélérée, sur la légalité de mesures restrictives adoptées par le Conseil et visant à interdire la diffusion de contenus audiovisuels.

Pour autant, aussi riche qu’elle puisse être, cette actualité ne saurait éclipser les nombreuses avancées jurisprudentielles que le Tribunal a menées à bien dans des contextes plus classiques.

Ainsi, en matière institutionnelle, le Tribunal, dans l’arrêt Verelst/Conseil du 12 janvier 2022 (T‑647/20), s’est penché pour la première fois sur la légalité de la décision d’exécution 2020/1117 portant nomination des procureurs européens du Parquet européen, adoptée en application du règlement 2017/1939 mettant en œuvre une coopération renforcée concernant la création dudit Parquet. Au terme de son examen, il est parvenu à la conclusion que le Conseil disposait d’une large marge d’appréciation dans l’évaluation et la comparaison des mérites des candidats au poste de procureur européen d’un État membre, ajoutant que, en l’espèce, la sélection et la nomination du candidat retenu avaient respecté les limites de ce large pouvoir d’appréciation. Dans le domaine des marchés publics, le Tribunal, dans l’arrêt Leonardo/Frontex du 26 janvier 2022 (T‑849/19), a examiné la recevabilité d’un recours en annulation dirigé contre un avis de marché et ses annexes émanant d’une entreprise qui n’avait pas participé à l’appel d’offres organisé par cet avis. Statuant en formation élargie, il a jugé qu’une entreprise qui démontrait que sa participation à une procédure d’appel d’offres avait été rendue impossible par les prescriptions du cahier des charges était susceptible de justifier d’un intérêt à agir à l’encontre de plusieurs documents d’un marché. Enfin, en matière de concurrence, dans l’arrêt Illumina/Commission du 13 juillet 2022 (T‑227/21), le Tribunal s’est prononcé pour la première fois sur l’application du mécanisme de renvoi prévu par l’article 22 du règlement 139/2004 sur les concentrations à une opération dont la notification n’était pas requise dans l’État ayant demandé son renvoi, mais qui impliquait l’acquisition d’une entreprise dont l’importance pour la concurrence ne se reflétait pas dans son chiffre d’affaires. En l’occurrence, le Tribunal a admis, dans son principe, que la Commission puisse se reconnaître compétente dans une telle situation.

Savvas S. Papasavvas

Vice-président du Tribunal

Les membres du Tribunal

Le Tribunal est composé de deux juges par État membre.

Les juges sont choisis parmi les personnes offrant toutes les garanties d’indépendance et possédant la capacité requise pour l’exercice de hautes fonctions juridictionnelles. Ils sont nommés d’un commun accord par les gouvernements des États membres, après consultation d’un comité chargé de donner un avis sur l’adéquation des candidats. Leur mandat est de six ans, renouvelable. Ils désignent parmi eux, pour trois ans, le président et le vice-président. Ils nomment le greffier pour un mandat de six ans.

Les juges exercent leurs fonctions en toute impartialité et indépendance.

En janvier 2022, sont entrés en fonctions en tant que juges au Tribunal, M. Ioannis Dimitrakopoulos (Grèce), M. Damjan Kukovec (Slovénie) et Mme Suzanne Kingston (Irlande).

En juillet 2022, sont entrés en fonctions en tant que juges au Tribunal, M. Tihamér Tóth (Hongrie) et Mme Beatrix Ricziová (Slovaquie).

En septembre 2022, sont entrés en fonctions en tant que juges au Tribunal, Mme Elisabeth Tichy-Fisslberger (Autriche), M. William Valasidis (Grèce) et M. Steven Verschuur (Pays-Bas).

M. van der Woude

Président

S. Papasavvas

Vice-président

D. Spielmann

Président de la Ire chambre

A. Marcoulli

Présidente de la IIe chambre

F. Schalin

Président de la IIIe chambre

R. da Silva Passos

Président de la IVe chambre

J. Svenningsen

Président de la Ve chambre

M. J. Costeira

Présidente de la VIe chambre

K. Kowalik-Bańczyk

Présidente de la VIIe chambre

A. Kornezov

Président de la VIIIe chambre

L. Truchot

Président de la IXe chambre

O. Porchia

Présidente de la Xe chambre

M. Jaeger

Juge

S. Frimodt Nielsen

Juge

H. Kanninen

Juge

J. Schwarcz

Juge

M. Kancheva

Juge

E. Buttigieg

Juge

V. Tomljenović

Juge

S. Gervasoni

Juge

L. Madise

Juge

V. Valančius

Juge

N. Półtorak

Juge

I. Reine

Juge

P. Nihoul

Juge

U. Öberg

Juge

C. Mac Eochaidh

Juge

G. De Baere

Juge

R. Frendo

Juge

T. R. Pynnä

Juge

J. C. Laitenberger

Juge

R. Mastroianni

Juge

J. Martín y Pérez de Nanclares

Juge

G. Hesse

Juge

M. Sampol Pucurull

Juge

M. Stancu

Juge

P. Škvařilová-Pelzl

Juge

I. Nõmm

Juge

G. Steinfatt

Juge

R. Norkus

Juge

T. Perišin

Juge

D. Petrlík

Juge

M. Brkan

Juge

P. Zilgalvis

Juge

K. Kecsmár

Juge

I. Gâlea

Juge

I. Dimitrakopoulos

Juge

D. Kukovec

Juge

S. Kingston

Juge

T. Tóth

Juge

B. Ricziová

Juge

E. Tichy- Fisslberger

Juge

W. Valasidis

Juge

S. Verschuur

Juge

E. Coulon

Greffier

Ordre protocolaire à partir du 19/09/2022

C | La jurisprudence en 2022

focus

Le règlement qui conditionne le versement des fonds européens au respect de l’État de droit est valide

Arrêts Hongrie/Parlement et Conseil et Pologne/Parlement et Conseil du 16 février 2022 (C‑156/21 et C‑157/21)

L’État de droit

C’est une des valeurs fondamentales de l’Union qui recouvre :

  • le principe de légalité, qui suppose l’existence d’un processus législatif transparent, responsable, démocratique et pluraliste ;
  • le principe de sécurité juridique ;
  • l’interdiction de l’arbitraire du pouvoir exécutif ;
  • le principe de protection juridictionnelle effective (accès à une justice indépendante et impartiale) ;
  • le principe de séparation des pouvoirs ;
  • le principe de non-discrimination et d’égalité devant la loi.

Afin de protéger le budget de l’Union et les intérêts financiers de celle-ci contre des atteintes résultant de violations de l’État de droit en tant que valeur fondamentale sur laquelle l’Union est fondée, l’Union s’est dotée d’un nouveau régime de conditionnalité.

Ce régime, instauré par le règlement 2020/2092 du Parlement européen et du Conseil, subordonne le bénéfice de financements issus du budget de l’Union au respect par les États membres des principes de l’État de droit. Ce règlement permet au Conseil, au terme d’une investigation menée par la Commission, de prendre des mesures — telles que la suspension des paiements ou des corrections financières — pour protéger le budget de l’Union et ses intérêts financiers lorsque de telles violations risquent de leur porter atteinte.

Ce règlement a été contesté par la Hongrie et la Pologne devant la Cour de justice. Compte tenu de leur importance exceptionnelle, les affaires ont été jugées par l’assemblée plénière de la Cour de justice.

Le 16 février 2022, la Cour de justice a rejeté les recours de la Hongrie et de la Pologne.

La Cour de justice souligne que l’Union est fondée sur des valeurs communes aux États membres, dont l’État de droit. Ces valeurs communes définissent l’identité même de l’Union en tant qu’ordre juridique commun et ont été acceptées par tous les États membres lors de leur adhésion à l’Union. Le respect des principes de l’État de droit constitue ainsi une obligation de résultat pour les États membres, découlant directement de leur appartenance à l’Union. Il conditionne la jouissance par ces États de tous les autres droits découlant de l’application des traités.

Les intérêts financiers de l’Union peuvent être gravement compromis par des violations des principes de l’État de droit commises dans un État membre. Les États membres ne peuvent garantir une bonne gestion financière que si les autorités publiques agissent en conformité avec le droit, si les violations du droit sont effectivement poursuivies et si les décisions arbitraires ou illégales des autorités publiques peuvent faire l’objet d’un contrôle juridictionnel effectif par un pouvoir judiciaire indépendant et impartial. L’Union doit donc être en mesure de défendre ses intérêts financiers, notamment par des mesures de protection du budget de l’Union. Par conséquent, la Cour de justice constate que le régime institué par le règlement attaqué relève bien de la notion de règles financières fixant notamment les modalités relatives à l’exécution du budget de l’Union [article 322 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE)]. Le règlement a donc été correctement adopté sur cette base juridique.

La Cour de justice explique également, en réponse à certains arguments de la Hongrie et de la Pologne, que le mécanisme de conditionnalité ne contourne pas la procédure prévue à l’article 7 du traité sur l’Union européenne (TUE). Les deux procédures poursuivent une finalité différente et ont un objet distinct. En particulier, l’article 7 TUE permet de répondre à toute violation grave et persistante d’une des valeurs fondatrices de l’Union, ou à tout risque clair d’une telle violation, alors que le règlement attaqué n’est applicable qu’aux violations des principes de l’État de droit et uniquement s’il existe des motifs raisonnables de considérer que ces violations ont une incidence budgétaire.

La Cour de justice écarte également l’argument selon lequel les principes de l’État de droit n’auraient pas de contenu matériel concret en droit de l’Union. Ces principes ont été amplement développés dans sa jurisprudence et sont ainsi précisés dans l’ordre juridique de l’Union. Ils trouvent leur source dans des valeurs communes reconnues et appliquées par les États membres dans leurs propres ordres juridiques. Par conséquent, les États membres sont à même de déterminer avec suffisamment de précision le contenu essentiel ainsi que les exigences découlant de chacun de ces principes.

Enfin, la mise en œuvre du mécanisme de conditionnalité exige qu’un lien réel soit établi entre une violation d’un principe de l’État de droit et une atteinte ou un risque sérieux d’atteinte à la bonne gestion financière de l’Union. Cette mise en œuvre impose également des exigences procédurales strictes vis-à-vis de la Commission. La Hongrie et la Pologne ne sont donc pas fondées à prétendre que les pouvoirs accordés à la Commission et au Conseil sont trop étendus. La Cour de justice en conclut que le règlement attaqué répond aux exigences de sécurité juridique.

L’article 7 TUE

Cette disposition décrit la procédure permettant de suspendre certains droits découlant de l’application des traités à un État membre en cas de violation grave et persistante des valeurs communes aux États membres visées à l’article 2 TUE, parmi lesquelles figure l’État de droit. La Hongrie et la Pologne prétendaient que le règlement « conditionnalité » permettait illégalement, en instaurant une procédure parallèle, de contourner les conditions précises prévues à l’article 7 TUE en vue de sanctionner un État membre.

Le respect de l’État de droit a fait l’objet de nombreux arrêts de la Cour de justice, parmi lesquels :

  • arrêt Associação Sindical dos Juízes Portugueses (Indépendance des juges – Réduction des rémunérations dans la fonction publique nationale) du 27 février 2018 (C‑64/16) ;
  • arrêt Commission/Pologne (Régime disciplinaire des juges – Limitation du droit et de l’obligation des juridictions nationales de saisir la Cour de demandes de décision préjudicielle) du 15 juillet 2021 (C‑791/19) ;
  • arrêt Repubblika (Indépendance des juges d’un État membre – Procédure de nomination – Pouvoir du Premier ministre – Participation d’une commission des nominations judiciaires) du 20 avril 2021 (C‑896/19).

Le principe de sécurité juridique

Ce principe exige que les règles de droit soient claires et précises et que leur application soit prévisible pour les justiciables, en particulier lorsqu’elles peuvent avoir des conséquences défavorables. Une réglementation doit donc permettre aux intéressés de connaître sans ambiguïté leurs droits et leurs obligations et de prendre leurs dispositions en conséquence.

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Arrêt Deutsche Umwelthilfe (Réception des véhicules à moteur) du 8 novembre 2022 (C‑873/19)

Afin de protéger l’environnement et d’améliorer la qualité de l’air, le règlement de l’Union européenne relatif à la réception par type de véhicules à moteur interdit l’utilisation de dispositifs qui agissent sur le système de contrôle des émissions de gaz polluants afin de réduire leur efficacité (dispositifs dits « d’invalidation »). Toutefois, cette interdiction connaît trois exceptions, en particulier lorsque « le besoin du dispositif se justifie en termes de protection du moteur contre des dégâts ou un accident et pour le fonctionnement en toute sécurité du véhicule ».

Deutsche Umwelthilfe, une association allemande de protection de l’environnement, estime que l’Office fédéral allemand pour la circulation des véhicules à moteur a violé l’interdiction en cause en autorisant, pour certains véhicules de la marque Volkswagen, l’utilisation d’un logiciel réduisant le recyclage des gaz polluants, notamment l’oxyde d’azote (NOx). Ce logiciel, appelé « fenêtre de températures », permettait d’adapter le taux de purification des gaz d’échappement en fonction de la température extérieure. Le placement de ce logiciel avait donc pour résultat que le recyclage des gaz polluants n’était pleinement efficace que si la température extérieure était supérieure à 15°C. Or, pour l’année 2018, la température moyenne annuelle en Allemagne a été de 10,4°C.

Deutsche Umwelthilfe a contesté l’autorisation devant une juridiction allemande. Celle-ci s’est adressée à la Cour de justice pour obtenir des éclaircissements sur deux questions.

1. La juridiction allemande relève que, selon le droit allemand, il n’existe pas de possibilité pour Deutsche Umwelthilfe d’introduire un recours contre l’autorisation donnée par l’Office fédéral car le règlement européen qu’elle invoque ne vise pas à protéger les citoyens individuellement. La juridiction allemande demande à la Cour de justice si cette impossibilité est compatible avec la convention d’Aarhus et avec le droit à un recours effectif garanti par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Dans son arrêt du 8 novembre 2022, la Cour de justice juge que, conformément à la convention d’Aarhus, lue à la lumière de la charte, une association de protection de l’environnement, habilitée à agir en justice, ne peut pas être privée de la possibilité de faire contrôler, par les juridictions nationales, le respect de certaines normes du droit de l’Union en matière d’environnement. Une telle association doit pouvoir ainsi contester en justice une autorisation accordée pour des dispositifs d’invalidation.

2. La juridiction allemande demande également si le « besoin » de recourir au dispositif de « fenêtre de températures », qui permet exceptionnellement de justifier son installation pour protéger le moteur ou pour son fonctionnement en toute sécurité, doit s’évaluer en tenant compte de la technologie existant à la date de l’autorisation ou s’il convient de tenir compte d’autres circonstances.

La Cour de justice souligne qu’un dispositif d’invalidation, tel qu’une « fenêtre de températures », peut exceptionnellement être justifié si les conditions suivantes sont remplies :

  • le dispositif doit répondre strictement au besoin d’éviter les risques immédiats de dégâts ou d’accident au moteur, occasionnés par un dysfonctionnement d’un composant du système de recyclage des gaz d’échappement ;
  • ces dégâts doivent être d’une gravité telle qu’ils génèrent un danger concret lors de la conduite du véhicule ;
  • au moment de l’autorisation du dispositif ou du véhicule qui en est équipé, aucune autre solution technique ne permet d’éviter ces risques.

Enfin, même si le besoin est établi, le dispositif d’invalidation doit, de toute façon, être interdit si sa conception a pour résultat que, dans des conditions normales de circulation, son fonctionnement est activé durant la majeure partie de l’année. En effet, dans ce cas, l’exception serait plus souvent appliquée que l’interdiction, ce qui porterait une atteinte disproportionnée au principe même de la limitation des émissions d’oxyde d’azote (NOx).

La Cour de justice juge régulièrement des affaires dans le domaine de l’environnement. Parmi les plus récentes, on trouve :

  • arrêt « Ville de Paris e.a. » (Réception des véhicules - Valeurs d’émissions d’oxydes d’azote - Procédure d’essai des émissions en conditions de conduite réelles) du 13 janvier 2022 (C‑177/19 P e.a.) ;
  • arrêts GSMB Invest, Volkswagen et Porsche Inter Auto et Volkswagen (Véhicules Diesel - Émissions d’oxyde d’azote (NOx) - Dispositifs d’invalidation interdits - « Fenêtre de températures ») du 14 juillet 20220 (C‑128/20 e.a.) ;
  • arrêt Commission/Espagne (Valeurs limites – NO2) du 22 décembre 2022 (C‑125/20) ;
  • arrêt Ministre de la Transition écologique et Premier ministre (Responsabilité de l’État pour la pollution de l’air) du 22 décembre 2022 (C‑61/21).

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Le droit à l’oubli face au droit à l’information

Arrêt Google (Déréférencement d’un contenu prétendument inexact) du 8 décembre 2022 (C‑ 460/20)

Le règlement général sur la protection des données (RGPD)

Entré en application en 2018, le RGPD donne aux citoyens plus de contrôle sur leurs données personnelles et responsabilise les sujets qui les détiennent.

Parmi les droits consacrés dans le RGPD figurent :

  • le droit à l’information sur le traitement des données ;
  • le droit d’accès aux données détenues ;
  • le droit d’obtenir la correction des données inexactes ou incomplètes ;
  • le droit à l’effacement des données qui ont été traitées de manière illicite ou qui ne sont plus nécessaires au regard des finalités de leur traitement (mieux connu en tant que « droit à l’oubli ») ;
  • le droit à la portabilité des données (récupérer les données fournies à un responsable du traitement).

La protection des données à caractère personnel est réglementée, au niveau de l’Union européenne, par le règlement général sur la protection des données.

Le droit à la protection des données personnelles n’est toutefois pas absolu. Il doit être mis en balance avec d’autres droits fondamentaux, conformément au principe de proportionnalité. Parmi ces autres droits fondamentaux figure le droit à la liberté d’information.

Dans l’arrêt Google, prononcé le 8 décembre 2022, la Cour de justice a rappelé l’importance de cette mise en balance et l’a mise en œuvre en réponse à une question de la Cour fédérale de justice allemande sur le droit à l’oubli.

Le litige concernait deux dirigeants d’un groupe de sociétés d’investissements ayant demandé à Google de déréférencer les résultats des recherches effectuées à partir de leurs noms. Le résultat de ces recherches reprenait des liens vers des articles de presse qui présentaient de manière critique le modèle d’investissement de ce groupe. Les deux dirigeants faisaient valoir que ces articles contenaient des allégations inexactes. Ils demandaient en outre que des photos d’eux, affichées sous la forme de vignettes (thumbnails) en dehors de tout élément contextuel, soient supprimées de la liste de ces résultats.

Google a refusé de donner suite à ces demandes, en renvoyant au contexte professionnel dans lequel s’inscrivaient ces articles et photos, et en faisant valoir qu’elle ignorait si les informations contenues dans les articles étaient exactes ou non.

Saisie du litige, la Cour fédérale de justice allemande a demandé à la Cour de justice d’interpréter le règlement général sur la protection des données à la lumière de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. En effet, le règlement prévoit expressément que le droit à l’oubli est exclu lorsque le traitement des données personnelles en cause est nécessaire à l’exercice du droit à la liberté d’information.

La Cour de justice souligne que le droit à la protection de la vie privée et à la protection des données personnelles prévaut, en règle générale, sur l’intérêt légitime des internautes à avoir accès à l’information. Mais cet équilibre peut dépendre de la nature de cette information et de sa sensibilité pour la vie privée de la personne concernée. Il dépend aussi de l’intérêt du public à disposer de l’information. Cet intérêt peut varier en fonction du rôle joué par cette personne dans la vie publique.

Toutefois, le droit à la liberté d’expression et d’information ne peut pas être pris en compte lorsque des informations figurant dans le contenu référencé (et qui n’ont pas une importance mineure) se révèlent inexactes.

Quand une personne introduit une demande de déréférencement, des obligations s’imposent à l’exploitant du moteur de recherche :

  • Il doit vérifier si un contenu peut continuer à être inclus dans la liste de résultats des recherches effectuées par l’intermédiaire de son moteur de recherche. Si la demande présente des éléments de preuve suffisants, l’exploitant du moteur de recherche est tenu de faire droit à cette demande.
  • Si la demande n’établit pas de manière manifeste l’inexactitude des informations, il n’est pas tenu de procéder à l’effacement. Dans ce cas, le demandeur doit toutefois pouvoir saisir l’autorité de contrôle de la protection des données ou l’autorité judiciaire pour que celles-ci effectuent les vérifications nécessaires et ordonnent, le cas échéant, à l’exploitant d’adopter les mesures qui s’imposent.
  • Il doit avertir les internautes de l’existence d’une procédure administrative ou juridictionnelle portant sur le caractère prétendument inexact d’un contenu.
  • Il doit vérifier si l’affichage des photos sous la forme de vignettes (thumbnails) est nécessaire à l’exercice du droit à la liberté d’information des internautes potentiellement intéressés à y avoir accès. L’affichage de photos d’une personne constitue en effet une ingérence particulièrement importante dans sa vie privée. Le fait que cet accès contribue à un débat d’intérêt général constitue un élément primordial à prendre en considération dans la mise en balance avec d’autres droits fondamentaux.

La protection des données personnelles est une matière qui donne lieu à un nombre important d’affaires devant la Cour de justice.

Quelques arrêts récents en lien avec l’évolution des technologies de l’information et de la communication :

  • arrêt Facebook Ireland et Schrems du 16 juillet 2020 concernant le niveau de protection à assurer en cas de transfert de données personnelles vers un pays tiers (C‑311/18) ;
  • arrêts La Quadrature du Net e.a. du 6 octobre 2020 sur l’interdiction d’une réglementation nationale imposant la transmission ou la conservation généralisée et indifférenciée de données relatives au trafic et à la localisation (C‑511/18 e.a.) ;
  • arrêt Prokuratuur du 2 mars 2021 concernant l’accès des autorités publiques aux données de trafic ou de localisation en vue de la lutte contre la criminalité grave (C‑746/18) ;
  • arrêt Facebook Ireland e.a. du 15 juin 2021 sur les pouvoirs des autorités nationales de contrôle (C‑645/19) ;
  • arrêt Vyriausioji tarnybinės etikos komisija du 1er août 2022 sur la transparence des déclarations d’intérêts privés de travailleurs ou dirigeants du secteur public (C‑184/20).

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Guerre en Ukraine : interdiction de diffuser imposée à des médias pro-russes et liberté d’expression

Arrêt RT France/Conseil du 27 juillet 2022 (T‑125/22)

La procédure de référé

Dans l’attente de la décision finale du Tribunal, RT France a demandé au Président du Tribunal, le 8 mars 2022, de suspendre immédiatement les effets de la décision d’interdiction d’activités de diffusion. Cette demande, appelée procédure de référé, a été rejetée le 30 mars. Le Président a jugé en particulier que RT France n’avait pas démontré que l’interdiction lui causait un préjudice irréparable. Il n’existait donc pas une urgence particulière justifiant cette suspension avant le prononcé définitif de l’affaire.

Le 24 février 2022, la Fédération de Russie a lancé une guerre d’agression contre l’Ukraine. Dans le cadre de sa politique étrangère et de sécurité commune, l’Union européenne a réagi à cette violation du droit international, notamment en imposant des sanctions à la Fédération de Russie. Le 1er mars 2022, le Conseil de l’Union européenne a interdit les activités de diffusion de certains médias dans l’Union ou en direction de l’Union pour contrer des actions de propagande russe.

L’interdiction a visé notamment RT France, une chaîne de télévision financée par le budget de l’État russe, qui a saisi le Tribunal de l’Union européenne le 8 mars 2022 afin d’obtenir l’annulation de cette décision du Conseil.

Vu l’importance et l’urgence de l’affaire, le Tribunal s’est réuni en grande chambre (15 juges), a mis en œuvre, d’office, pour la première fois, la procédure accélérée, ce qui lui a permis de se prononcer en moins de 5 mois.

Dans son arrêt du 27 juillet, le Tribunal rejette le recours dans son intégralité. L’arrêt repose sur trois éléments essentiels :

  • Le Conseil dispose d’une grande latitude pour définir des mesures restrictives en matière de politique étrangère et de sécurité commune. Il peut recourir à une interdiction temporaire de diffusion de contenus de certains médias financés par le budget de l’État russe si ces médias soutiennent l’agression militaire par la Russie. La mise en œuvre uniforme d’une interdiction de ce type est mieux réalisée au niveau de l’Union qu’au niveau national.
  • L’interdiction de diffusion, qui a été décidée sans entendre au préalable RT France, ne constitue pas une violation des droits de la défense. Le contexte exceptionnel et d’extrême urgence lié au déclenchement d’une guerre aux frontières de l’Union nécessitait une réaction rapide. La mise en œuvre immédiate des mesures d’interdiction d’un vecteur de propagande en faveur de l’agression militaire était essentielle pour assurer leur efficacité.
  • La liberté d’expression constitue l’un des fondements essentiels d’une société démocratique. Cette liberté est applicable non seulement aux idées accueillies favorablement ou considérées comme inoffensives, mais également à celles qui offensent, choquent ou inquiètent. Cela découle des exigences du pluralisme, de la tolérance et de l’esprit d’ouverture sans lesquelles il n’existe pas de société démocratique.

Mais il peut s’avérer nécessaire, dans les sociétés démocratiques, de sanctionner les formes d’expression qui propagent, justifient ou incitent à la haine fondée sur l’intolérance, l’usage et l’apologie de la violence.

La mesure d’interdiction prise contre RT France poursuit cet objectif. Elle vise àprotéger l’ordre et la sécurité publics de l’Union, menacés par la campagne systématique de propagande mise en place par la Russie, et à exercer une pression sur les autorités russes afin qu’elles mettent fin à l’agression militaire. Cette mesure est également proportionnée car elle est appropriée et nécessaire aux buts recherchés. Il existe suffisamment d’indices concrets, précis et concordants démontrant que RT France soutenait de manière active la politique déstabilisatrice et agressive menée par la Fédération de Russie qui a finalement débouché sur une offensive militaire d’envergure contre l’Ukraine. Aucun des éléments présentés par RT France ne permet d’attester qu’elle assurait un traitement globalement équilibré des informations concernant la guerre en cours et respectueux des principes en matière de « devoirs et responsabilités » des médias audiovisuels.

Les mesures restrictives ou sanctions

Ce sont des outils dont disposent l’Union européenne pour promouvoir les objectifs de sa politique étrangère et de sécurité commune. Il s’agit notamment de sauvegarder les valeurs de l’UE, ses intérêts fondamentaux et sa sécurité, de consolider et soutenir la démocratie, l’État de droit, les droits de l’homme et les principes du droit international, de préserver la paix et de prévenir les conflits et renforcer la sécurité internationale.

Ces mesures peuvent viser des gouvernements de pays tiers ou des entités non étatiques (par exemple des entreprises) et des individus (tels que des groupes terroristes). Pour la majorité des cas, les mesures visent des individus ou des entités et consistent en des gels d’avoirs et des interdictions de voyager dans l’UE.

Le Tribunal est saisi d’un grand nombre d’affaires impliquant des mesures restrictives : il s’agit notamment de sanctions dans le contexte d’actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, ou en raison de la situation en Syrie et en Biélorussie, ou encore à l’encontre de la République démocratique du Congo.

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Amende record de 4,125 milliards d’euros infligée à Google pour des restrictions imposées aux fabricants d’appareils mobiles Android

Arrêt Google et Alphabet/Commission (Google Android) du 14 septembre 2022 (T‑604/18)

Google est une entreprise du secteur des technologies de l’information et de la communication spécialisée dans les produits et les services liés à l’Internet. Elle tire l’essentiel de ses revenus de son produit phare, le moteur de recherche Google Search. Son modèle commercial est basé sur l’interaction entre, d’une part, un certain nombre de produits et de services proposés le plus souvent sans frais aux utilisateurs et, d’autre part, des services de publicité en ligne utilisant les données collectées auprès de ces utilisateurs. Google propose, en outre, le système d’exploitation Android, dont environ 80 % des appareils mobiles intelligents utilisés en Europe étaient équipés en juillet 2018, selon la Commission européenne.

À la suite de plaintes adressées à la Commission, celle-ci a ouvert une procédure à l’encontre de Google en 2015. Cette procédure a abouti en 2018 à une sanction de 4,343 milliards d’euros infligée à Google pour avoir imposé des restrictions illégales aux fabricants d’appareils mobiles Android et aux opérateurs de réseaux mobiles. Ces restrictions consistaient à imposer aux fabricants d’appareils mobiles :

  • de préinstaller Google Search et Chrome pour pouvoir obtenir la licence d’exploitation de Play Store ;
  • de s’abstenir de vendre des appareils équipés de versions Android non agréées par Google ;
  • de renoncer à préinstaller un service de recherche concurrent pour pouvoir obtenir une part des revenus publicitaires de Google.

Selon la Commission, ces restrictions avaient pour objectif de consolider la position dominante du moteur de recherche de Google et ses revenus obtenus au moyen des annonces publicitaires liées à ces recherches.

Qu’est-ce qu’un abus de position dominante ?

La position dominante est une situation de puissance économique détenue par une entreprise, qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d’une concurrence effective et de se comporter indépendamment de ses concurrents, de ses clients, de ses fournisseurs et du consommateur final.

Le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne interdit aux entreprises d’abuser de leur position dominante pour restreindre ou fausser la concurrence, par exemple en imposant des prix abusifs, des accords de vente exclusifs, ou des primes de fidélité visant à détourner les fournisseurs de leurs concurrents.

Il s’agit de l’amende la plus importante jamais infligée en Europe par une autorité de concurrence. Google a introduit un recours devant le Tribunal pour contester la décision de la Commission.

Dans le cas de l’affaire Google et Alphabet, le dossier de l’affaire représentait plus de 100 000 pages. Lors de l’audience, 72 avocats et représentants étaient présents, pour 13 parties différentes (la partie requérante, Google et Alphabet ; la partie défenderesse, la Commission européenne ; 11 parties intervenantes au soutien soit de la requérante soit de la défenderesse). L’audience s’est déroulée sur cinq jours.

L’affaire a été tranchée dans l’arrêt Google et Alphabet/Commission du 14 septembre 2022. Le Tribunal a largement confirmé la décision de la Commission et a rejeté l’essentiel du recours. Cependant, le Tribunal a jugé que la Commission n’avait pas suffisamment démontré la capacité de certains comportements de Google à restreindre la concurrence et qu’elle n’aurait pas dû refuser la possibilité à Google de présenter ses arguments sur ce point lors d’une audition. À l’issue de sa propre appréciation de l’ensemble des circonstances, le Tribunal réduit finalement le montant de l’amende infligée à Google à 4,125 milliards d’euros.

Vérification des faits et de la bonne application du droit par le Tribunal

Les affaires de concurrence devant le Tribunal sont souvent complexes et volumineuses. Le Tribunal juge en première instance : il examine donc non seulement si la Commission a correctement appliqué le droit, mais également si les faits sont suffisamment établis. Les dossiers peuvent contenir des éléments de preuve et des études économiques détaillées visant à prouver ou à contester les effets des comportements des entreprises sur le marché.

Arrêt Qualcomm/Commission du 15 juin 2022 (T‑235/18)

Dans une autre affaire d’abus de position dominante, le Tribunal a intégralement annulé la décision de la Commission qui avait infligé à Qualcomm une amende d’environ 1 milliard d’euros pour avoir abusé de sa position dominante sur le marché des chipsets LTE (des composants électroniques qui équipent les smartphones et les tablettes). Selon la Commission, cet abus était caractérisé par l’existence d’accords prévoyant des paiements incitatifs, en vertu desquels Apple devait s’approvisionner en chipsets LTE exclusivement auprès de Qualcomm. Le Tribunal a constaté que plusieurs irrégularités de procédure ont affecté les droits de la défense de Qualcomm, notamment l’absence d’enregistrement de certains entretiens lors de l’enquête. Par ailleurs, le Tribunal a également relevé que l’analyse de la Commission sur les effets anticoncurrentiels des accords n’avait pas tenu compte de l’ensemble des circonstances factuelles pertinentes, notamment l’absence pour Apple d’alternative technique aux chipsets LTE.

Retour sur les grands arrêts de l’année

Environnement



La Cour de justice et l’environnement
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La protection de la faune et de la flore, la pollution de l’air, de la terre et de l’eau ainsi que les risques liés aux substances dangereuses constituent autant de défis que l’Union européenne contribue à relever en adoptant des règles strictes. Il en est ainsi pour la fixation de valeurs limites d’émission de polluants, dans les agglomérations notamment.

  • Dans le cadre d’une procédure d’infraction contre l’Italie, la Commission a demandé à la Cour de justice de constater que cet État membre a manqué à ses obligations en raison du non-respect, systématique et continu, des valeurs limites annuelles pour l’émission de dioxyde d’azote (NO2) dans différentes zones, à savoir les villes de Turin, Milan, Bergame, Brescia, Gênes, Florence, Rome et Catane. Dans son arrêt, la Cour a fait droit au recours de la Commission, en constatant que l’Italie a violé ses obligations découlant de la directive 2008/50 car elle n’a pas veillé à éviter le dépassement systématique et persistant des valeurs limites annuelles fixées pour le dioxyde d’azote. L’Italie a également manqué à ses obligations en n’adoptant pas, à partir du 11 juin 2010, des mesures – telles que des plans mieux adaptés pour améliorer la qualité de l’air ou des mesures additionnelles spécifiques pour protéger les catégories de population sensibles – garantissant le respect des valeurs limites de NO2 dans les zones concernées.
    Arrêt Commission/Italie (valeurs limites de NO2) du 12 mai 2022 (C‑573/19)

  • Le naufrage en novembre 2002 du pétrolier Prestige au large des côtes de la Galice (Espagne) a causé une importante marée noire qui a touché les côtes espagnoles et françaises. Il s’agit de la plus grave catastrophe environnementale subie par l’Espagne. Dans le cadre d’une affaire concernant les dommages causés par la marée noire liée à ce naufrage, la Cour de justice a jugé qu’un arrêt prononcé par une juridiction britannique, confirmant une sentence issue d’un arbitrage initié au Royaume-Uni, ne pouvait pas empêcher la reconnaissance d’un arrêt espagnol condamnant un assureur à réparer ces dommages. Elle a en effet estimé qu’une sentence arbitrale ne peut faire obstacle à la reconnaissance de décisions judiciaires d’autres États membres que si son contenu aurait également pu faire l’objet d’une décision judiciaire adoptée dans le respect du règlement 44/2001. Dans le cas d’espèce, elle n’a pas admis que l’arrêt britannique puisse s’opposer à la reconnaissance de l’arrêt rendu en Espagne à la suite d’une action directe intentée par la victime contre l’assureur en vue d’obtenir la réparation effective du dommage qu’elle a subi.
    Arrêt London Steam-Ship Owners’ Mutual Insurance Association du 20 juin 2022 (C‑700/20)

La direction de la Recherche et de la documentation propose aux professionnels du droit, dans le cadre de sa Collection des résumés, une « Sélection des grands arrêts » et un « Bulletin mensuel de jurisprudence » de la Cour de justice et du Tribunal.

Énergie

Dans un contexte marqué par la guerre en Ukraine et la dépendance énergétique du continent européen vis-à-vis du reste du monde, l’Union européenne assure l’approvisionnement et la sécurité énergétique sur son territoire. Elle contribue à garantir le fonctionnement du marché de l’énergie et à maîtriser l’envolée des prix de l’énergie, en particulier celui du gaz et de l’électricité. De plus, elle assure l’interconnexion des réseaux énergétiques des États membres. En outre, l’Union promeut le développement des énergies renouvelables et la réduction de la dépendance aux énergies fossiles. Les investissements des États membres étant susceptibles de compromettre la concurrence sur le marché de l’énergie, leur compatibilité avec le droit de l’Union est soumise à l’appréciation du Tribunal.

  • L’Autriche contestait la décision de la Commission approuvant l’aide à l’investissement fournie par la Hongrie, en faveur d’une entreprise d’État, pour le développement de deux réacteurs nucléaires en construction sur le site de la centrale de Paks. Le Tribunal a examiné les arguments de l’Autriche, qui prétendait notamment que l’aide causait des distorsions disproportionnées de la concurrence et des inégalités de traitement conduisant à écarter des producteurs d’énergie renouvelable du marché de l’électricité. Il a conclu que l’analyse réalisée par la Commission était correcte, complète et permettait d’établir la compatibilité de l’aide d’État octroyée avec le droit de l’Union. En effet, l’électricité produite par les nouveaux réacteurs serait disponible sur le marché de gros pour tous les acteurs du marché et de manière transparente. Il n’y avait donc pas de risque que l’électricité produite par la société Paks II soit monopolisée dans des contrats de longue durée, ce type de contrat posant un risque pour la liquidité du marché.
    Arrêt Autriche/Commission du 30 novembre 2022 (T‑101/18)

  • En 2015, le gestionnaire du réseau de transport de gaz hongrois (FGSZ) s’est lancé dans un projet de coopération régionale visant à accroître l’indépendance énergétique en introduisant le gaz de la mer Noire au sein du réseau. Ce projet prévoyait la création de capacités supplémentaires, notamment entre la Hongrie et l’Autriche. En 2018, l’autorité de régulation autrichienne a approuvé la proposition du gestionnaire du réseau de transport de gaz autrichien (GCA) se rattachant à ce volet du projet, alors que son homologue hongrois (MEKH), sur proposition de FGSZ, a adopté une décision contraire. En août 2019, en l’absence de décision coordonnée entre les autorités de régulation nationales concernées, l’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie (ACER) s’est déclarée compétente en la matière et a approuvé le volet du projet tel que proposé par GCA. Saisi de deux recours formés par MEKH et FGSZ contre la décision de l’ACER, le Tribunal a déclaré inapplicables les dispositions du règlement 2017/459 relatives au processus de création de capacités supplémentaires pour le transport de gaz. L’ACER n’était donc pas compétente pour adopter la décision d’approbation et le Tribunal a par conséquent annulé cette décision.
    Arrêt MEKH et FGSZ/ACER du 16 mars 2022 (affaires jointes T‑684/19 et T‑704/19)

Consommateurs



Que fait la Cour de justice pour nous ?
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La Cour de justice : garantir les droits des consommateurs de l’Union européenne
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Le respect des droits des consommateurs, leur prospérité et leur bien-être sont des valeurs fondamentales dans le développement des politiques de l’Union. La Cour de justice contrôle l’application des règles qui protègent les consommateurs, afin de garantir la préservation de leur santé, de leur sécurité et de leurs intérêts économiques et juridiques quel que soit le lieu où ils résident ou se déplacent ou d’où ils effectuent leurs achats à l’intérieur de l’Union.

  • Selon le droit de l’Union, un consommateur qui a conclu avec un professionnel un contrat par Internet ou téléphone dispose, en principe, de 14 jours pour se rétracter, sans avoir à donner les raisons de sa décision. Toutefois, ce droit de rétractation est exclu pour des événements culturels ou sportifs, afin de protéger les organisateurs contre le risque de places non vendues. La Cour de justice a précisé que cette exclusion s’applique également en cas d’achat en ligne de billets pour un concert auprès d’un fournisseur de services de billetterie, lorsque le risque économique pèse sur l’organisateur du concert.
    Arrêt CTS Eventim du 31 mars 2022 (C‑96/21)

  • La Cour de justice a jugé qu’un transporteur aérien non UE (en l’espèce, United Airlines) qui n’a pas conclu un contrat de transport avec les passagers, mais qui a effectué le vol, peut être redevable de l’indemnisation des passagers en cas de retard important du vol. En effet, le transporteur qui, dans le cadre de son activité de transport de passagers, prend la décision de réaliser un vol précis constitue le transporteur aérien effectif. Ce transporteur est donc réputé agir au nom du transporteur contractuel (Lufthansa). La Cour a toutefois souligné que le transporteur aérien effectif (United Airlines), qui est tenu d’indemniser le passager, conserve le droit de demander réparation à toute personne, y compris des tiers, conformément au droit national applicable.
    Arrêt United Airlines du 7 avril 2022 (C‑561/20)

  • À la suite d’un retard de plus de trois heures de leur vol au départ de New York et à destination de Budapest, des passagers se sont adressés à l’autorité hongroise chargée de l’application du règlement sur les droits des passagers aériens afin d’obtenir le paiement par le transporteur LOT de l’indemnisation prévue par ce règlement. Cette autorité a effectivement constaté la violation du règlement et imposé à LOT le paiement d’une indemnisation d’un montant de 600 euros à chaque passager concerné. Cette décision a été contestée par LOT devant une juridiction hongroise. Cette juridiction s’est adressée à la Cour de justice en vue de déterminer si l’autorité en cause pouvait imposer à un transporteur aérien le paiement d’une indemnisation ou si cette prérogative était réservée aux juridictions nationales. La Cour a considéré que l’autorité nationale chargée de l’application du règlement pouvait, à la suite de plaintes individuelles, obliger un transporteur à indemniser des passagers à condition que l’État membre concerné lui ait conféré une compétence à cet effet.
    Arrêt LOT (Indemnisation imposée par l’autorité administrative) du 29 septembre 2022 (C‑597/20)

  • Dans une affaire préjudicielle introduite par une juridiction lituanienne, la Cour de justice a interprété la directive portant sur le rapprochement des législations des États membres relatives aux produits qui, n´ayant pas l´apparence de ce qu´ils sont, compromettent la santé ou la sécurité des consommateurs. En l’espèce, il s’agissait de plusieurs types de bombes de bain effervescentes ayant l’apparence de denrées alimentaires, et comportant un risque d’intoxication pour les consommateurs, en particulier pour les enfants. La Cour a jugé qu’un État membre peut, sous certaines conditions, restreindre la distribution de produits cosmétiques susceptibles d’être confondus avec des denrées alimentaires, parce qu’ils en ont l’apparence, et d’entraîner ainsi des risques pour la santé. Elle a précisé que l´intérêt de protéger la santé et la sécurité des consommateurs peut prévaloir sur le droit de commercialiser certains produits cosmétiques.
    Arrêt Get Fresh Cosmetics du 2 juin 2022 (C‑122/21)

Égalité de traitement



La Cour de justice : garantir l’égalité de traitement et protéger les droits des minorités
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La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne consacre l’égalité devant la loi de tous les individus en tant qu’êtres humains, travailleurs, citoyens ou parties à une procédure judiciaire. La directive 2000/78, en particulier, assure un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, en interdisant toute discrimination fondée sur la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle. La Cour de justice a tranché plusieurs affaires relatives à des cas présumés de discrimination, directe ou indirecte, en soulignant le respect dû au principe de proportionnalité entre l’objectif poursuivi par les règles mises en cause et le principe d’égalité de traitement.

  • Dans une affaire préjudicielle introduite par une juridiction espagnole, la Cour de justice s’est prononcée sur la compatibilité de la législation nationale relative aux prestations de sécurité sociale des employés de maison avec la directive de l’Union sur l’égalité en matière de sécurité sociale. Le système spécial de sécurité sociale espagnol applicable aux employés de maison ne comprenait pas la protection contre le chômage. Relevant que les employés de maison sont principalement des personnes de sexe féminin, la Cour a jugé que la directive s’oppose à cette exclusion qui désavantage particulièrement les travailleurs féminins par rapport aux travailleurs masculins et est ainsi constitutive d’une discrimination indirecte fondée sur le sexe. Celle-ci n’est, par ailleurs, pas justifiée par des facteurs objectifs et étrangers à toute discrimination fondée sur ce critère.
    Arrêt TGSS (Chômage des employés de maison) du 24 février 2022 (C‑389/20)

  • Dans une affaire préjudicielle introduite par une juridiction portugaise, la Cour de justice s’est prononcée sur la compatibilité de la législation nationale relative au calcul de l’indemnité au titre des congés annuels non pris avec la directive de l’Union relative au travail intérimaire. Elle a jugé que la méthode de calcul de cette indemnité et de la prime de vacances correspondante prévue dans le régime spécial applicable aux travailleurs intérimaires impliquait un désavantage pour eux du point de vue du nombre de jours de congé payé et du montant de la prime. L’indemnité en question doit être au moins égale à celle qui serait accordée aux travailleurs s’ils avaient été recrutés directement par l’entreprise utilisatrice pour y occuper le même poste pendant la même durée.
    Arrêt Luso Temp du 12 mai 2022 (C‑426/20)

  • Le tribunal du travail francophone de Bruxelles a interrogé la Cour de justice sur la question de savoir si les termes « la religion ou les convictions » figurant dans la directive relative à l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail doivent être interprétés comme les deux facettes d’un même critère protégé ou, au contraire, comme deux critères distincts. Il a également demandé à la Cour si l’interdiction du port de voile, contenue dans le règlement intérieur d’une société, constitue une discrimination directe fondée sur la religion. Le litige portait sur l’absence de prise en considération de la candidature spontanée de L.F., une jeune femme de religion musulmane, après que celle-ci avait indiqué, lors d’un entretien, qu’elle refuserait d’ôter son voile comme le prévoyait la politique de neutralité promue par ce règlement intérieur.
    Dans son arrêt, la Cour de justice a jugé que la religion et les convictions (notamment philosophiques ou spirituelles) constituent un seul et unique motif de discrimination. Cela étant, la règle interne d’une entreprise interdisant le port visible de signes religieux, philosophiques ou spirituels ne constitue pas une discrimination directe si elle est appliquée de manière générale et indifférenciée à tous les travailleurs. Elle peut toutefois comporter une discrimination indirecte s’il est établi que l’obligation en apparence neutre qu’elle contient aboutit, en fait, à un désavantage particulier pour les personnes adhérant à une religion ou à des convictions données. Cette discrimination indirecte peut néanmoins être justifiée, à certaines conditions, par un objectif légitime. Lors de l’appréciation de l’existence d’une justification, la juridiction nationale peut accorder, dans le cadre de la mise en balance des intérêts divergents, une plus grande importance à ceux de la religion ou des convictions qu’à ceux résultant, notamment, de la liberté d’entreprendre, à condition que cela découle de son droit interne.
    Arrêt S.C.R.L. (Vêtement à connotation religieuse) du 13 octobre 2022 (C‑344/20)

  • Une juridiction italienne a interrogé la Cour de justice sur la compatibilité avec le droit de l’Union, notamment avec le principe de non-discrimination, de la limite d’âge de 30 ans, prévue par la législation nationale comme limite maximale d’admission au concours public pour le recrutement de commissaires de police. La Cour a estimé que cette limitation constitue une différence de traitement fondée sur l’âge, tout en laissant à la juridiction nationale le soin de vérifier si celle-ci est justifiée par un besoin professionnel essentiel et déterminant, tel que l’exigence de capacités physiques particulières liées aux fonctions effectivement exercées par un commissaire de police. Il appartient également à la juridiction nationale de vérifier si cette même limitation poursuit un objectif légitime et si elle est proportionnée à cet objectif, en évaluant notamment si l’épreuve de condition physique éliminatoire prévue par le concours constitue une mesure appropriée et moins contraignante.
    Arrêt Ministero dell’Interno (Limite d’âge pour le recrutement des commissaires de police) du 17 novembre 2022 (C‑304/21)

  • A a été élue présidente d’une organisation de travailleurs en 1993. Cette fonction politique, fondée sur la confiance, comportait néanmoins certains éléments caractéristiques d’un travail : A était employée à temps plein, percevait un traitement mensuel et la loi sur les congés payés lui était applicable. Réélue tous les quatre ans, A a exercé les fonctions de présidente de cette organisation jusqu’en 2011, date à laquelle, âgée de 63 ans, elle a dépassé la limite d’âge prévue pour se représenter à l’élection à la présidence planifiée cette même année. La juridiction danoise saisie d’un recours du Ligebehandlingsnævnet (Commission pour l’égalité de traitement), agissant pour A contre HK/Danmark et HK/Privat, s’est adressée à la Cour de justice afin de savoir si la directive relative à l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail était applicable à cette situation. La Cour a jugé qu’une limite d’âge prévue par les statuts d’une organisation de travailleurs pour être éligible au poste de président relève du champ d’application de cette directive. Ni la nature politique d’un tel poste ni la méthode de recrutement (l’élection) n’ont une incidence sur son application dans ce contexte.
    Arrêt HK/Danmark et HK/Privat du 2 juin 2022 (C‑587/20)

Famille

L’Union européenne établit des règles pour la coordination des systèmes de sécurité sociale, afin que les citoyens européens et notamment les familles ne soient pas gênés dans l’exercice de leurs droits parce qu’ils vivent dans différents États membres de l’Union ou parce qu’ils ont déménagé d’un État membre à un autre au cours de leur vie. Dans le même ordre d’idée, le règlement « Bruxelles II bis » régit la coopération judiciaire au sein de l’Union en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale.

  • Dans le cadre d’une affaire préjudicielle concernant le transfert de la résidence d’un enfant de la Suède vers la Russie, la Cour de justice a jugé qu’une juridiction d’un État membre ne demeure pas compétente pour statuer en matière de garde d’enfant sur la base du règlement « Bruxelles II bis » lorsque la résidence habituelle de l’enfant a légalement fait l’objet d’un transfert, en cours de procédure, sur le territoire d’un État tiers qui est partie à la convention de La Haye de 1996.
    Arrêt CC (Transfert de la résidence habituelle de l’enfant vers un État tiers) du 14 juillet 2022 (C‑572/21)

  • Une citoyenne de l’Union ne disposant pas de la nationalité allemande s’est vu refuser par les autorités allemandes le versement d’allocations familiales pour les trois premiers mois suivant l’établissement de sa résidence en Allemagne. Ce refus reposait sur le fait que cette personne ne percevait pas de revenus en Allemagne. Cette exigence n’étant pas appliquée aux ressortissants allemands revenant d’un séjour au sein d’un autre État membre, la citoyenne de l’Union a contesté ce refus devant une juridiction allemande, qui s’est adressée à la Cour de justice. Celle-ci a jugé qu’une telle différence de traitement constitue une discrimination interdite par le droit de l’Union. Elle a toutefois souligné qu’il ressort de la réglementation de l’Union que, contrairement au cas où (comme dans cette affaire) la personne établit sa résidence habituelle dans l’État membre concerné, un séjour qui serait seulement temporaire ne suffirait pas pour pouvoir revendiquer cette égalité de traitement.
    Arrêt Familienkasse Niedersachsen-Bremen du 1er août 2022 (C‑411/20)

  • En janvier 2019, l’Autriche a mis en place un mécanisme d’adaptation pour calculer le montant forfaitaire des allocations familiales et celui de divers avantages fiscaux qu’elle accordait aux travailleurs, dont les enfants résidaient de façon permanente dans un autre État membre. L’adaptation pouvait se faire à la hausse ou à la baisse en fonction du niveau général des prix dans l’État membre concerné. La Commission a estimé que ce mécanisme d’adaptation et la différence de traitement qui en résultait principalement pour les travailleurs migrants, par rapport aux ressortissants nationaux, étaient contraires au droit de l’Union. Elle a donc saisi la Cour de justice d’un recours en manquement contre l’Autriche. Par son arrêt, la Cour a constaté que ce mécanisme d’adaptation, qui tenait compte de l’État de résidence des enfants des travailleurs, était contraire au droit de l’Union dans la mesure où il constituait une discrimination indirecte non justifiée, fondée sur la nationalité des travailleurs migrants.
    Arrêt Commission/Autriche du 16 juin 2022 (C‑328/20)

Données à caractère personnel



La Cour de justice dans le monde numérique
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L’Union européenne est dotée d’une réglementation formant un socle solide et cohérent pour la protection des données à caractère personnel, quels que soient le mode et le contexte de collecte, de conservation, de traitement et de transfert de ces données. La Cour de justice s’assure que les données personnelles traitées ou conservées se limitent au strict nécessaire et ne portent pas atteinte de manière disproportionnée au droit à la vie privée.

  • Proximus, un fournisseur de services de télécommunications en Belgique, édite également des annuaires contenant le nom, l’adresse et le numéro de téléphone des abonnés des différents fournisseurs de services téléphoniques accessibles au public. Ces coordonnées sont communiquées à Proximus par les opérateurs, sauf si l’abonné a exprimé le souhait de ne pas figurer dans les annuaires. Dans le cadre d’une demande de retrait du consentement d’un abonné, une juridiction belge a interrogé la Cour de justice concernant les obligations de Proximus, en tant que responsable du traitement de données personnelles. Selon la Cour, ce responsable doit mettre en œuvre des mesures techniques et organisationnelles appropriées pour informer les autres responsables du traitement du retrait du consentement de la personne concernée. Ces autres responsables sont ceux qui lui ont fourni ces données ou auxquels il a transmis de telles données. Le responsable est également tenu de prendre des mesures raisonnables afin d’informer les exploitants de moteurs de recherche sur Internet d’une demande d’effacement formulée par la personne concernée.
    Arrêt Proximus (Annuaires électroniques publics) du 27 octobre 2022 (C‑129/21)

  • La Cour de justice s’est de nouveau prononcée sur la possibilité pour l’État d’imposer aux fournisseurs de services de communications électroniques l’obligation de conserver de manière généralisée et indifférenciée les données de trafic et de localisation. Elle a précisé que, même si, comme le prévoyait une loi allemande, les données relatives au trafic ne sont conservées que pour dix semaines et les données de localisation que pour quatre semaines, le nombre considérable de données collectées permet tout de même d’établir le profil complet des personnes concernées. Cette ingérence grave dans la vie privée ne peut être admise qu’en cas de menace grave et actuelle pour la sécurité nationale, notamment en cas de menace terroriste. En l’absence de telles menaces, les autorités de sécurité disposent d’autres mesures pour lutter contre la criminalité, comme la conservation généralisée et indifférenciée des adresses IP (à savoir un numéro d’identification attribué à un appareil connecté au réseau Internet), la conservation ciblée et la conservation rapide (le « quick freeze », résultant d’une injonction de conserver temporairement les données actuellement traitées et stockées).
    Arrêt SpaceNet e.a. du 20 septembre 2022 (affaires jointesC‑793/19 etC‑794/19)

  • La Ligue des droits humains (LDH) est une association à but non lucratif ayant saisi la Cour constitutionnelle belge, en juillet 2017, d’un recours en annulation contre la loi du 25 décembre 2016 transposant en droit belge à la fois la directive PNR (sur l’utilisation des données des dossiers passagers aériens), la directive API (sur l’obligation pour les transporteurs de communiquer les données des passagers) et la directive 2010/65 (sur les formalités applicables aux navires à l’entrée et/ou à la sortie des ports des États membres). Selon la LDH, cette loi méconnaissait le droit au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel, garanti en droit belge et en droit de l’Union. La Cour de justice a estimé que le respect des droits fondamentaux exige une limitation des pouvoirs prévus par la directive PNR au strict nécessaire. Elle a considéré que, en l’absence de menace terroriste réelle et actuelle ou prévisible à laquelle fait face un État membre, le droit de l’Union s’oppose à une législation nationale prévoyant le transfert et le traitement des données PNR des vols intra-UE et des transports effectués par d’autres moyens à l’intérieur de l’Union.
    Arrêt Ligue des droits humains du 21 juin 2022 (C‑817/19)

  • La Cour de cassation française a interrogé la Cour de justice sur l’articulation des dispositions pertinentes de la directive sur la vie privée et communications électroniques, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, de la directive et du règlement sur les abus de marché. Les mesures législatives nationales en cause obligeaient les opérateurs de services de communications électroniques à conserver à titre préventif, de manière généralisée et indifférenciée, les données relatives au trafic pendant un an à partir du jour de l’enregistrement. Ces mesures visaient à contribuer à la lutte contre les infractions d’abus de marché, dont les opérations d’initiés. La Cour a jugé que le droit de l’Union n’autorise pas une conservation généralisée et indifférenciée des données relatives au trafic et des données de localisation aux fins de la lutte contre des infractions d’abus de marché et, notamment, d’opérations d’initiés. Les mesures prévoyant cette conservation excèdent les limites du strict nécessaire et ne sauraient être justifiées dans une société démocratique.
    Arrêt VD et SR du 20 septembre 2022 (affaires jointesC‑339/20 etC‑397/20)

Espace de liberté, de sécurité et de justice

L’espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures se construit autour de plusieurs axes : la coopération judiciaire des États membres en matière civile et pénale, la coopération policière, le contrôle aux frontières extérieures, l’asile et l’immigration. La coopération judiciaire entre les États membres se concrétise notamment par le mandat d’arrêt européen, décision judiciaire d’un État membre en vue de l’arrestation d’une personne recherchée dans un autre État membre et de sa remise en raison de poursuites pénales ou pour l’exécution d’une peine privative de liberté. En ce qui concerne l’asile, le droit de l’Union établit les conditions que les ressortissants des pays tiers ou les apatrides doivent remplir pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale (la directive sur les réfugiés). La Cour est régulièrement appelée à préciser la portée des règles applicables.

  • Dans le contexte de la crise migratoire, l’Autriche a réintroduit un contrôle à ses frontières avec la Hongrie et la Slovénie depuis la mi-septembre 2015. Par la suite, ce contrôle a été prolongé à plusieurs reprises. Une juridiction autrichienne, devant laquelle un citoyen contestait ce contrôle, a interrogé la Cour de justice sur sa compatibilité avec le droit de l’Union. La Cour a jugé que, en cas de menace grave pour son ordre public ou sa sécurité intérieure, un État membre peut réintroduire un contrôle à ses frontières avec d’autres États membres, sans toutefois dépasser une durée totale maximale de six mois. Ce n’est qu’en cas de survenance d’une nouvelle menace grave qu’il peut être justifié d’appliquer de nouveau une telle mesure.
    Arrêt Landespolizeidirektion Steiermark e.a. (Durée maximale du contrôle aux frontières intérieures) du 26 avril 2022 (C‑368/20)

  • En juin 2016, les autorités judiciaires italiennes ont émis un mandat d’arrêt européen (MAE) à l’encontre de KL, un ressortissant italien résidant en France, pour l’exécution d’une peine de douze ans et six mois d’emprisonnement. Cette peine correspond au cumul de quatre peines infligées pour quatre infractions commises en Italie, dont celle qualifiée de « dévastation et pillage ». La cour d’appel d’Angers (France) a refusé la remise de KL aux autorités judiciaires italiennes, car deux des agissements ne constituent pas une infraction en France. En effet, les éléments constitutifs de l’infraction de « dévastation et pillage » sont différents dans les deux États membres concernés : en droit italien, cette infraction vise des actes de destruction et de dégradation multiples, massifs, occasionnant, notamment, une atteinte à la paix publique, alors que, en droit français, le fait de mettre en danger la paix publique par des destructions de masse de biens meubles ou immeubles n’est pas spécifiquement incriminé. La Cour de justice a jugé qu’une correspondance parfaite n’est pas requise entre les éléments de l’infraction concernée dans l’État membre d’émission et dans l’État membre d’exécution. L’autorité judiciaire d’exécution ne peut donc pas refuser d’exécuter le mandat d’arrêt européen en raison du fait que seule une partie des faits correspondant à ladite infraction dans l’État membre d’émission constitue également une infraction dans l’État membre d’exécution.
    Arrêt Procureur général près la cour d’appel d’Angers du 14 juillet 2022 (C‑168/21)

  • Un ressortissant russe qui a développé, à l’âge de seize ans, une forme rare de cancer du sang est soigné aux Pays-Bas. Son traitement médical, qui n’est pas autorisé en Russie, consiste notamment en l’administration de cannabis thérapeutique aux fins de soulager sa souffrance. Le tribunal de La Haye a interrogé la Cour de justice pour savoir si le droit de l’Union s’oppose à ce qu’une décision de retour ou une mesure d’éloignement soit prise dans un tel cas de figure. La Cour a considéré que le droit de l’Union s’y oppose lorsqu’il existe des motifs sérieux et avérés de croire que le retour de cette personne l’exposerait, en raison de l’indisponibilité, dans le pays de destination, de soins appropriés à des fins antalgiques, au risque réel d’une augmentation significative, irrémédiable et rapide de la douleur liée à sa maladie grave, qui serait contraire à la dignité humaine.
    Arrêt Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid (Éloignement – Cannabis thérapeutique) du 22 novembre 2022 (C‑69/21)

  • En 2019, I, ressortissant égyptien, a demandé la protection internationale en Grèce alors qu’il était encore mineur. Lors de sa demande, il a exprimé le souhait d’être réuni avec S, son oncle, également ressortissant égyptien, qui séjournait régulièrement aux Pays-Bas. Le secrétaire d’État néerlandais a rejeté la requête de prise en charge de I formulée par les autorités grecques, car l’identité de I et donc, le lien de parenté allégué avec S, ne pouvaient être établis. Ce même secrétaire d’État a rejeté la réclamation de I et de S comme manifestement irrecevable au motif que le règlement Dublin III ne prévoit pas la possibilité, pour les demandeurs de protection internationale, de contester une décision de refus de prise en charge adoptée par les autorités nationales compétentes. Ce rejet ayant été contesté devant le tribunal de La Haye (Pays-Bas), celui-ci a interrogé la Cour de justice, qui a répondu que le règlement Dublin III, lu en combinaison avec la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, impose de conférer un droit de recours juridictionnel au mineur non accompagné contre une décision de refus de prise en charge. En revanche, le proche de ce mineur ne bénéficie pas d’un tel droit de recours.
    Arrêt Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid (Refus de prise en charge d’un mineur égyptien non accompagné) du 1er août 2022 (C‑19/21)

Sauvetage en mer

Dans le contexte d’opérations de sauvetage en mer s’est posée la question de l’étendue des pouvoirs des autorités de l’État membre du port à des fins de contrôle des navires battant pavillon d’un autre État membre de l’Union européenne en matière de sécurité maritime et environnementale.

  • Sea Watch est une organisation humanitaire allemande qui exerce une activité systématique de recherche et de sauvetage de personnes en mer Méditerranée, au moyen de navires. Suite à des opérations de sauvetage menées en 2020, deux de ses navires ont fait l’objet d’inspections et de mesures d’immobilisation de la part des capitaineries des ports de Palerme et de Port-Empédocle (Italie), qui ont été contestées par Sea Watch. Une juridiction italienne a saisi la Cour de justice pour clarifier l’étendue des pouvoirs de contrôle et d’immobilisation de l’État du port à l’égard de navires exploités par les organisations humanitaires. La Cour a jugé que ces navires peuvent faire l’objet d’un contrôle par l’État du port. Cependant, celui-ci peut adopter des mesures d’immobilisation uniquement en cas de risque manifeste pour la sécurité, la santé ou l’environnement, ce qu’il lui appartient de démontrer. La Cour a également souligné l’importance du principe de coopération loyale, en vertu duquel les États membres, dont celui ayant la qualité d’État du port et celui ayant la qualité d’État du pavillon, sont tenus de coopérer ainsi que de se concerter dans l’exercice de leurs pouvoirs respectifs.
    Arrêt Sea Watch du 1er août 2022 (affaires jointesC‑14/21 etC‑15/21)

Accès aux documents

La transparence de la vie publique est un principe clé de l’Union. Dès lors, tout citoyen ou personne morale de l’Union peut, en principe, accéder aux documents des institutions. Toutefois, dans certains cas, cet accès peut être refusé.

  • Agrofert est une société holding tchèque, initialement constituée par M. Andrej Babiš, Premier ministre de la République tchèque de 2017 à 2021. Dans une résolution, le Parlement européen a affirmé que M. Babiš continuait à contrôler le groupe Agrofert, y compris après sa désignation en qualité de Premier ministre. Considérant que cette affirmation était inexacte et souhaitant connaître les sources et les informations détenues par le Parlement, Agrofert a introduit une demande d’accès à plusieurs documents. Dans sa réponse, le Parlement a identifié certains documents comme étant publiquement accessibles et a refusé l’accès à une lettre de la Commission au Premier ministre tchèque et à un rapport rédigé par la Commission. Saisi d’un recours introduit par Agrofert contre cette décision du Parlement, le Tribunal a confirmé sa validité. Le Tribunal a constaté la disparition de l’intérêt à agir de la société Agrofert contre la décision de refus de lui donner accès au rapport, qui lui avait entre-temps été communiqué, et a rejeté le recours contre la décision de refus d’accès à la lettre adressée au Premier ministre, car la divulgation de celle-ci était susceptible de porter atteinte aux objectifs des activités d’enquête de la Commission.
    Arrêt Agrofert/Parlement du 28 septembre 2022 (T‑174/21)

Concurrence et aides d’État

L’Union européenne applique des règles afin de protéger la libre concurrence. Les pratiques qui ont pour objet ou effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence au sein du marché intérieur sont interdites. Plus précisément, le droit de l’Union interdit certains accords ou échanges d’informations entre une entreprise et ses concurrents qui peuvent avoir un tel objet ou effet ainsi que l’exploitation de façon abusive d’une position dominante, sur un certain marché, par une entreprise. Dans cette même perspective, les aides d’État sont en principe interdites, sauf si elles sont justifiées et ne faussent pas la concurrence d’une façon contraire à l’intérêt général.

  • En 2009, la Commission a infligé une amende de 1,06 milliard d’euros à Intel Corporation pour avoir abusé de sa position dominante sur le marché mondial des processeurs entre 2002 et 2007. En 2014, le Tribunal a confirmé cette décision. Intel a introduit un pourvoi contre cet arrêt devant la Cour de justice qui, en 2017, l’a annulé pour erreur de droit. Le Tribunal s’était, à tort, limité à constater que les rabais litigieux avaient par nature la capacité à restreindre la concurrence, sans analyser si ces rabais avaient concrètement cet effet. La Cour de justice a alors renvoyé l’affaire devant le Tribunal afin qu’il la juge de nouveau. Dans son arrêt du 26 janvier 2022, le Tribunal a estimé que l’analyse de la Commission concernant la capacité des rabais litigieux à restreindre la concurrence était incomplète et a donc partiellement annulé la décision de la Commission. S’agissant de l’incidence d’une telle annulation partielle de la décision attaquée sur le montant de l’amende infligée par la Commission à Intel, le Tribunal a estimé ne pas être en mesure d’identifier le montant de l’amende afférent uniquement aux restrictions non déguisées. En conséquence, il a annulé dans son intégralité l’article de la décision attaquée infligeant à Intel une amende d’un montant de 1,06 milliard d’euros au titre de l’infraction constatée.
    Arrêt Intel Corporation/Commission du 26 janvier 2022 (T‑286/09 RENV)

  • Le 27 septembre 2017, la Commission européenne a constaté que les sociétés Scania AB, Scania CV AB et Scania Deutschland GmbH, trois entités du groupe Scania actives dans la production et la vente de camions lourds destinés aux transports longue distance, avaient enfreint le droit de la concurrence de l’Union. La Commission reprochait à ces sociétés d’avoir pris part avec leurs concurrents, de janvier 1997 à janvier 2011, à des ententes sur le marché des camions moyens et lourds de l’Espace économique européen (EEE). Cette décision a été adoptée à la suite d’une procédure dite « hybride », associant la procédure de transaction et la procédure administrative ordinaire en matière d’ententes. La procédure de transaction permet aux parties dans les affaires d’entente de reconnaître leur responsabilité et de recevoir, en échange, une réduction du montant de l’amende infligée. Les sociétés du groupe Scania avaient confirmé à la Commission leur volonté de prendre part à des discussions en vue d’une transaction. Cependant, elles se sont ultérieurement retirées de cette procédure. La Commission a ainsi adopté une décision de transaction à l’égard des entreprises ayant présenté une demande en ce sens et a poursuivi l’enquête visant les sociétés du groupe Scania, qui se sont vu infliger une amende de 880 523 000 euros. Le Tribunal a rejeté le recours des sociétés du groupe contre la décision de la Commission dans son ensemble, de sorte que l’amende infligée par la Commission a été maintenue.
    Arrêt Scania e.a./Commission du 2 février 2022 (T‑799/17)

  • Le 4 mai 2022, le Tribunal a confirmé la décision de la Commission approuvant l’aide au sauvetage de 36 660 000 euros accordée par la Roumanie à la compagnie aérienne roumaine TAROM, principalement active dans le transport national et international de passagers, de fret et de courrier. La compagnie aérienne Wizz Air Hungary a contesté cette décision devant le Tribunal. Celui-ci a confirmé la décision de la Commission au motif que l’aide vise à éviter les difficultés sociales qu’une interruption des services de la compagnie aérienne roumaine provoquerait, compte tenu du mauvais état des infrastructures routières et ferroviaires roumaines.
    Arrêt Wizz Air Hungary/Commission du 4 mai 2022 (T‑718/20)

  • Le gouvernement de la Communauté autonome de Valence a octroyé à la Fundación Valencia, une association liée au club de football Valencia CF, une garantie pour un prêt bancaire de 75 millions d’euros, au moyen duquel elle a acquis 70,6 % des actions du Valencia CF. Cette garantie a été ultérieurement augmentée de 6 millions d’euros. En 2016, la Commission a considéré qu’il s’agissait d’aides d’État incompatibles avec le droit de l’Union et a ordonné leur récupération. Valencia CF a contesté cette décision devant le Tribunal qui, en 2020, l’a annulée (T‑732/16). La Commission a alors introduit un pourvoi devant la Cour de justice contre l’arrêt du Tribunal. La Cour de justice a rejeté le pourvoi en constatant que le Tribunal n’avait pas imposé à la Commission une charge de la preuve excessive et s’était, à juste titre, borné à constater que cette institution n’avait pas respecté les exigences qu’elle s’était elle-même imposées en adoptant, sous la forme d’une communication, des règles relatives à l’analyse des garanties offertes par les États membres.
    Arrêt Commission/Valencia Club de Fútbol du 10 novembre 2022 (C‑211/20 P)

Propriété intellectuelle



La propriété intellectuelle et le Tribunal de l’Union européenne
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La Cour de justice et le Tribunal assurent l’interprétation et l’application de la réglementation adoptée par l’Union pour protéger l’ensemble des droits exclusifs sur les créations intellectuelles. La protection de la propriété intellectuelle (droits d’auteur) et industrielle (droit des marques, protection des dessins et modèles) améliore la compétitivité des entreprises en favorisant un environnement propice à la créativité et à l’innovation. Le droit de l’Union protège aussi le savoir-faire reconnu d’un produit dans une zone géographique de l’Union par le biais des appellations d’origine protégée (AOP).

  • La dénomination « Feta » a été enregistrée en tant qu’appellation d’origine protégée (AOP) en 2002. Depuis, cette dénomination ne peut être utilisée que pour du fromage originaire d’une aire géographique délimitée en Grèce et conforme au cahier des charges applicable à ce produit. Le Danemark considérait que le règlement 1151/2012 ne s’appliquait qu’aux produits vendus dans l’Union et ne concernait pas les exportations vers les pays tiers. Il n’a donc pas interdit à ses producteurs d’exporter leurs produits sous l’appellation « Feta ». La Commission a introduit une procédure en manquement contre le Danemark, considérant qu’il avait enfreint les obligations qui découlent du règlement. La Cour de justice a jugé que le règlement n’exclut pas les produits à l’exportation des agissements qu’il prohibe, notamment les atteintes au droit de propriété intellectuelle qui protège les AOP. Elle a donc constaté que le Danemark avait manqué à ses obligations en n’ayant pas empêché l’utilisation de l’appellation « Feta » pour des fromages destinés à l’exportation vers des pays tiers.
    Arrêt Commission/Danemark du 14 juillet 2022 (C‑159/20)

  • En juin 2017, le gouvernement de la principauté d’Andorre a présenté une demande pour enregistrer en tant que marque de l’Union européenne, pour un large éventail de produits et de services, le signe figuratif suivant :


    L’enregistrement de cette marque ayant été refusé par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), le gouvernement de la principauté d’Andorre a introduit un recours devant le Tribunal. Pour pouvoir être enregistrée, une marque de l’Union ne doit notamment pas revêtir un caractère descriptif, ce qui exclut qu’elle se limite à une simple description des produits ou services qu’elle vise. Dans son arrêt, le Tribunal a conclu que la marque Andorra présente un caractère descriptif. Le public pertinent pourra la percevoir comme une indication de la provenance des produits et des services en cause. Il s’agit d’un motif absolu de refus qui justifie à lui seul que le signe ne puisse être enregistré comme marque de l’Union européenne.
    Arrêt Govern d’Andorra/EUIPO (Andorra) du 23 février 2022 (T‑806/19)

  • Le Tribunal a rejeté les trois recours introduits par Apple Inc. contre les décisions de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) ayant conclu à la déchéance du signe verbal « THINK DIFFERENT ». En 1997, 1998 et 2005, Apple Inc. avait obtenu l’enregistrement du signe verbal « THINK DIFFERENT » en tant que marque de l’Union européenne notamment pour des produits informatiques et de télécommunication. Sur demande de Swatch AG, constatant que les marques contestées n’avaient pas fait l’objet d’un usage sérieux pour les produits en cause pendant une période ininterrompue de cinq ans, l’EUIPO a déclaré la déchéance des marques contestées. Le Tribunal a confirmé la décision de l’EUIPO : selon lui, il incombait à Apple Inc. de prouver l’usage sérieux de ces marques pour les produits concernés au cours des cinq années précédant la date de dépôt des demandes en déchéance, ce qu’elle n’est pas parvenue à faire.
    Arrêts Apple/EUIPO – Swatch (Think different) du 8 juin 2022 (affaires jointes T‑26/21, T‑27/21 et T‑28/21)

  • En 2017, la société britannique Golden Balls a présenté à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) une demande en déchéance de la marque BALLON D’OR car, selon elle, cette marque n’avait pas été suffisamment utilisée pour certains produits et services. La marque BALLON D’OR avait préalablement été enregistrée en faveur de la société française Les Éditions P. Amaury, détentrice des droits se rattachant au Ballon d’or (une récompense attribuée au meilleur joueur de football de l’année). En 2021, l’EUIPO a prononcé la déchéance de cette marque pour la majorité des produits et des services pour lesquels celle-ci avait été enregistrée. Saisi d’un recours formé par Les Éditions P. Amaury contre la décision de l’EUIPO, le Tribunal a annulé cette décision en ce qui concerne la déclaration de déchéance pour les services de divertissement. En revanche, le Tribunal a confirmé la déchéance de cette marque pour les services consistant en la diffusion ou le montage de programmes télévisés, la production de spectacles ou de films et la publication de livres, magazines, revues ou journaux.
    Arrêt Les Éditions P. Amaury/EUIPO - Golden Balls (BALLON D’OR) du 6 juillet 2022 (T‑478/21)

Fiscalité

Les impositions directes relèvent en principe de la compétence des États membres. Néanmoins, elles doivent, comme par exemple l’imposition des sociétés, respecter les règles de base de l’Union européenne, telle que l’interdiction des aides d’État. Ainsi, les décisions fiscales anticipatives (« tax rulings ») de certains États membres ayant accordé à des entreprises multinationales un traitement fiscal particulier font l’objet de contrôles de la part de la Commission et le juge de l’Union est appelé à trancher.

  • Les décisions fiscales anticipatives sont des décisions adoptées, à la demande des entreprises, par l’administration fiscale de certains États membres, qui déterminent à l’avance l’impôt auquel ces entreprises seront soumises. Ayant son siège social au Grand-Duché de Luxembourg, Fiat Chrysler Finance Europe a obtenu des autorités fiscales luxembourgeoises une décision anticipative avalisant une méthode de détermination de la rémunération de Fiat Chrysler Finance Europe, en tant que société intégrée, pour les services fournis aux autres sociétés du groupe Fiat/Chrysler. En 2015, la Commission a considéré que cette décision anticipative constituait une aide au fonctionnement incompatible avec le marché intérieur au sens du droit de l’Union. Des recours ont été introduits par Fiat Chrysler Finance Europe et par le Luxembourg devant le Tribunal qui, en 2019, a validé l’approche de la Commission et rejeté les recours. Fiat Chrysler Finance Europe et l’Irlande ont contesté à plusieurs égards l’analyse faite par le Tribunal pour déterminer l’existence d’un avantage économique, plus particulièrement sous l’angle des règles applicables en matière d’aides d’État. La Cour de justice a annulé l’arrêt du Tribunal ainsi que la décision de la Commission. Selon la Cour, la Commission a fait application d’un principe de pleine concurrence distinct de celui défini par le droit luxembourgeois, alors que, en l’absence d’harmonisation à ce sujet par le droit de l’Union, seules les dispositions nationales sont pertinentes pour les besoins de l’analyse qui déterminera si des transactions données doivent être examinées à l’aune du principe de pleine concurrence.
    Arrêt Fiat Chrysler Finance Europe/Commission et Irlande/Commission du 8 novembre 2022 (affaires jointesC‑885/19 P etC‑898/19 P)

État de droit



Faire respecter l’État de droit dans l‘Union
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La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – des règles contraignantes ayant des effets concrets
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La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, tout comme le traité sur l’Union européenne, fait expressément référence à l’État de droit, l’une des valeurs communes aux États membres de l’Union sur lesquelles celle-ci est fondée. La Cour de justice est amenée, de plus en plus souvent, à se prononcer sur le respect de l’État de droit par les États membres, que ce soit dans le cadre de recours en manquement introduits contre ceux-ci par la Commission européenne ou de demandes de décision préjudicielle provenant des juridictions nationales. La Cour de justice doit alors examiner si cette valeur fondatrice est respectée au niveau national, notamment en ce qui concerne le pouvoir judiciaire et, plus particulièrement, dans le cadre du processus de nomination ou du régime disciplinaire des juges.

  • En réponse à une question préjudicielle posée par le Sąd Najwyższy (Cour suprême, Pologne), la Cour de justice a jugé que le simple fait qu’un juge a été nommé à une époque où l’État membre dont il relève ne constituait pas encore un régime démocratique ne remet pas en cause l’indépendance et l’impartialité de ce juge lors de l’exercice de ses fonctions juridictionnelles ultérieures. En particulier, les circonstances entourant la première nomination de ce juge ne permettent pas, à elles seules, de générer des doutes légitimes et sérieux dans l’esprit des justiciables.
    Arrêt Getin Noble Bank du 29 mars 2022 (C‑132/20)

Mesures restrictives et politique étrangère

Les mesures restrictives ou « sanctions » constituent un instrument essentiel de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) de l’Union européenne. Elles sont utilisées dans le cadre d’une action intégrée et globale qui inclut notamment un dialogue politique. L’Union y recourt, notamment afin de préserver les valeurs, les intérêts fondamentaux et la sécurité de l’Union, et de prévenir les conflits et renforcer la sécurité internationale. Les sanctions cherchent, en effet, à susciter un changement de politique ou de comportement de la part des personnes ou entités visées, afin de promouvoir les objectifs de la PESC.

  • À la suite de graves violations des droits de l’homme en Libye, le Conseil de l’Union européenne a adopté, en octobre 2020, des mesures restrictives contre M. Yevgeniy Viktorovich Prigozhin, homme d’affaires russe entretenant des relations étroites avec le groupe Wagner, impliqué dans des opérations militaires dans cet État. La décision a été prorogée en juillet 2021. Ces mesures consistent dans le gel de fonds des personnes qui livrent ou apportent un appui à des actes qui mettent en danger la paix, la stabilité ou la sécurité en Libye. M. Prigozhin a introduit un recours contre ces mesures devant le Tribunal afin d’en obtenir l’annulation. Le Tribunal a rejeté le recours. Il a notamment considéré que les éléments de preuve fournis, tels que des extraits du rapport du secrétaire général des Nations unies et des articles de presse (comprenant des photographies et des témoignages) émanant de sources variées comme des agences de presse ou des médias, permettaient d’identifier le groupe Wagner et qu’ils contenaient des informations précises et concordantes sur les activités de ce groupe mettant en danger la paix, la sécurité et la stabilité en Libye. Le dossier de preuves comportait également des éléments concrets, précis et concordants établissant les relations étroites et multiples qu’entretenait M. Prigozhin avec le groupe Wagner.
    Arrêt Prigozhin/Conseil du 1er juin 2022 (T‑723/20)

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