A | Retour sur les grands arrêts de l’année

Une Union fondée sur la valeur de la personne humaine et sur l’État de droit



Pourquoi la Cour de justice de l’Union européenne existe?
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L’année 2020 a marqué le 20e anniversaire de la proclamation de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (la Charte) qui, tout comme le traité sur l’Union européenne, fait expressément référence à l’État de droit, l’une des valeurs communes aux États membres de l’Union et sur lesquelles celle- ci est fondée.

La Charte consacre notamment la dignité, la liberté et l’égalité devant la loi de tous les individus en tant qu'êtres humains, travailleurs, citoyens ou parties à une procédure judiciaire. Les 54 articles qu’elle contient traduisent le passage d’une Europe des Communautés centrée sur des intérêts économiques à une Europe de l’Union fondée sur la valeur de la personne humaine.

En 2020, la Cour de justice a, à plusieurs reprises, interprété la Charte et le principe de l’État de droit, en jouant un rôle déterminant dans la défense des libertés fondamentales, dans la lutte contre les discriminations et dans la mise en œuvre d’une justice équitable.

  • Dans une affaire préjudicielle introduite par une juridiction italienne, la Cour de justice a interprété la directive sur l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail. Cette directive met en œuvre, dans ce domaine, le principe général de non-discrimination consacré dans la Charte. La Cour de justice a, ainsi, jugé que les déclarations homophobes constituent une discrimination en matière d’emploi et de travail lorsqu’elles sont prononcées par quiconque apparaît comme ayant une influence déterminante sur la politique de recrutement d’un employeur. Le droit national peut prévoir qu’une association puisse agir en justice en réparation des dommages, et ce même si aucune personne lésée n’est identifiable. Arrêt Associazione Avvocatura per i diritti LGBTI du 23 avril 2020, C-507/18

  • Une réglementation de la Région flamande (Belgique) a eu pour effet d’y rendre obligatoire l’étourdissement préalable des animaux en vue de leur abattage. L’abattage rituel étant affecté, des associations juives et musulmanes ont cherché à obtenir l’annulation de cette réglementation. Saisie d’une question préjudicielle posée par une juridiction belge, la Cour de justice a constaté que la réglementation en cause, qui ne s’oppose pas à un étourdissement réversible et insusceptible d’entraîner la mort de l’animal, et qui n’entrave pas la mise en circulation de produits provenant d’animaux abattus rituellement en dehors de la Région flamande, assure un juste équilibre entre la liberté de religion, garantie par la Charte, et le bien-être des animaux, inscrit dans le TFUE (voir section « La protection des consommateurs »). Arrêt Centraal Israëlitisch Consistorie van België e.a du 17 décembre 2020, C-336/19

  • Dans le cadre d’un recours en manquement, la Cour de justice a jugé que les restrictions imposées par la Hongrie au financement, par des personnes établies en dehors de cet État membre, des organisations civiles n’étaient pas conformes au droit de l’Union. Notamment, ces restrictions se heurtent aux obligations incombant aux États membres non seulement au titre de la liberté de circulation des capitaux énoncée dans le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne mais aussi à celui des dispositions de la Charte relatives à la liberté d’association ainsi qu’aux droits au respect de la vie privée et familiale et à la protection des données à caractère personnel (voir section «La protection des données à caractère personnel»). Arrêt Commission/Hongrie (Transparence associative) du 18 juin 2020, C-78/18

  • Dans un autre recours en manquement concernant la Hongrie, la Cour de justice a analysé, à la lumière de la Charte, la loi nationale sur l’enseignement supérieur. Cette loi subordonnait l’exercice, en Hongrie, d’une activité de formation diplômante par les établissements d’enseignement supérieur situés en dehors de l’Espace économique européen (EEE) à l’existence d’une convention internationale liant la Hongrie à l’État tiers dans lequel l’établissement concerné avait son siège et à l’accomplissement par cet établissement d’activités d’enseignement dans son État membre d’origine. La Cour de justice a souligné que de telles conditions se heurtent à la liberté académique, à la liberté de créer des établissements d’enseignement supérieur et à la liberté d’entreprise. Arrêt Commission/Hongrie (Enseignement supérieur) du 6 octobre 2020, C-66/18

  • Une procédure préjudicielle d’urgence devant la Cour de justice a porté sur le principe d’égalité de traitement entre ressortissants nationaux et citoyens de l’Espace économique européen (EEE). La Cour de justice a indiqué que la Charte s’applique lorsqu’un État membre (en l’espèce, la Croatie) doit statuer sur une demande d’extradition d’un État tiers (ici, la Russie) concernant un ressortissant d’un autre État tiers qui est membre de l’Association européenne de libre-échange et partie à l’accord sur l’EEE (l’Islande). Par conséquent, l’État membre ayant reçu la demande d’extradition doit vérifier que le ressortissant concerné ne sera pas soumis à la peine de mort, à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants dans l’État tiers ayant formé la demande d’extradition. Arrêt Ruska Federacija du 2 avril 2020, C-897/19 PPU

  • Dans le contexte de deux procédures préjudicielles d’urgence concernant les défaillances systémiques ou généralisées de l’indépendance du pouvoir judiciaire en Pologne, la Cour de justice a jugé que l’exécution d’un mandat d’arrêt européen (MAE) émis par une autorité judiciaire polonaise ne peut être refusée que si, eu égard à la situation individuelle de la personne concernée, à la nature de l’infraction en cause et au contexte factuel de l’émission de ce MAE, il existe des motifs sérieux et avérés de croire que cette personne courra, une fois remise aux autorités polonaises, un risque réel de violation de son droit à un procès équitable, garanti par la Charte. Arrêt Openbaar Ministerie du 17 décembre 2020, C-354/20 PPU e.a.

  • La Cour de justice a déclaré irrecevables deux questions préjudicielles concernant la réglementation polonaise de 2017 sur les procédures disciplinaires à l’égard des juges. Elle a toutefois souligné que le fait que des juges nationaux aient posé des questions préjudicielles s’avérant irrecevables ne justifie pas l’introduction de procédures disciplinaires à leur égard. Elle a rappelé qu'il ne saurait être admis que des dispositions nationales exposent les juges nationaux à des procédures disciplinaires en raison du fait qu'ils ont saisi la Cour de justice d'un renvoi préjudiciel. L'absence d'exposition à des procédures ou sanctions disciplinaires pour ce motif constitue en effet une garantie inhérente à l’indépendance du pouvoir judiciaire. Arrêt Miasto Łowicz et Prokurator Generalny du 26 mars 2020, C-558/18 et C-563/18

La politique d’asile

L’intensification des flux migratoires et la complexité de la gestion de l’accueil de migrants ont conduit la Cour à se prononcer sur la compatibilité de la réglementation de certains États membres régissant les procédures d’asile avec les dispositifs protecteurs prévus par le droit de l’Union. La Charte, la directive «Procédures», la directive «Accueil», la directive «Retour» ainsi que le règlement Dublin III mettent un certain nombre d’obligations à la charge des États membres comme, par exemple, la garantie d’un accès effectif à la procédure d’asile.

La jurisprudence de la Cour de justice a continué à apporter, en 2020, des réponses concrètes à la définition des conditions de mise en œuvre de la réglementation applicable, en conciliant le droit d’asile et la protection de l’ordre public et des intérêts légitimes des États membres.

  • Interrogée par une juridiction hongroise dans le cadre d’une procédure préjudicielle d’urgence, la Cour de justice a jugé que le placement dans la zone de transit de Röszke, à la frontière serbo-hongroise, des demandeurs d’asile ou des ressortissants de pays tiers faisant l’objet d’une décision de retour devait être qualifié de rétention. Si, à l’issue du contrôle juridictionnel de la régularité d’une telle rétention, il est établi que les personnes ont été retenues sans motif valable, la juridiction saisie doit les libérer avec effet immédiat ou éventuellement adopter une mesure alternative à la rétention. Arrêt FMS e.a. du 14 mai 2020, C-924/19 PPU e.a.

  • Par ailleurs, la Cour de justice a constaté que la Hongrie a manqué à ses obligations découlant du droit de l’Union en matière de procédures relatives à l’octroi de la protection internationale et en matière de retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. En particulier, la limitation de l’accès à la procédure de protection internationale, la rétention irrégulière des demandeurs de cette protection dans des zones de transit ainsi que la reconduite dans une zone frontalière de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, sans respecter les garanties entourant une procédure de retour, constituent des manquements au droit de l’Union. Arrêt Commission/Hongrie du 17 décembre 2020, C-808/18

  • Dans le cadre de trois recours en manquement introduits par la Commission contre la Pologne, la Hongrie et la République tchèque, la Cour de justice a jugé que, en refusant de se conformer au mécanisme temporaire de relocalisation de demandeurs de protection internationale, ces trois États membres ont manqué à leurs obligations découlant du droit de l’Union. Ces États membres ne peuvent invoquer ni le maintien de l’ordre public, ni la sauvegarde de la sécurité intérieure, ni le prétendu dysfonctionnement du mécanisme de relocalisation pour se soustraire, d’une manière générale, à la mise en œuvre de ce mécanisme. Arrêt Commission/Pologne, Hongrie et République tchèque du 2 avril 2020, C-715/17 e.a.

La protection des données à caractère personnel



La Cour de justice dans le monde numérique
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L’Union européenne est dotée d’une réglementation formant un socle solide et cohérent pour la protection des données à caractère personnel, quel que soit le mode et le contexte de leur collecte (achats en ligne, prêts bancaires, recherches d’emploi, demandes de renseignements émanant des autorités publiques). Ces règles s’appliquent aux personnes ou entités publiques et privées établies dans ou en dehors de l’Union, y compris aux entreprises proposant des biens ou des services, telles que Facebook ou Amazon, lorsqu’elles demandent ou réutilisent les données à caractère personnel de citoyens de l’Union.

En 2020, la Cour de justice de justice s’est prononcée, à plusieurs reprises, sur les responsabilités découlant de la collecte et du traitement de ces données notamment par les autorités nationales, y compris les services de renseignement.

  • La Cour de justice a annulé la décision de la Commission sur l'adéquation du mécanisme de protection des données à caractère personnel transférées aux États-Unis depuis l’Union («bouclier de protection»). Cette décision faisait suite à l’arrêt Schrems de 2015 (C-362/14) par lequel la Cour de justice avait annulé la décision de la Commission constatant que les États-Unis assuraient aux données en cause un niveau de protection adéquat (« Safe Harbour »). La Cour de justice a notamment reproché à la Commission de n’avoir pas limité, dans sa nouvelle décision, l’accès à ces données et leur utilisation de la part des autorités publiques américaines, y compris leurs services de renseignements, au strict nécessaire. Arrêt Schrems et Facebook Ireland du 16 juillet 2020, C-311/18

  • En ce qui concerne le traitement des données, la Cour de justice a confirmé que le droit de l’Union s’oppose en principe à des réglementations nationales imposant aux fournisseurs de services de communications électroniques, à des fins de lutte contre les infractions pénales ou la criminalité, de transmettre aux autorités publiques ou de conserver les données relatives au trafic et à la localisation des utilisateurs, de manière généralisée et indifférenciée. Elle a toutefois précisé que des exceptions sont possibles pour faire face à des menaces graves à la sécurité nationale, pour lutter contre de graves phénomènes criminels ou pour prévenir des menaces graves à la sécurité publique. Arrêts Privacy International et La Quadrature du Net e.a. du 6 octobre 2020, C-623/17, C-511/18, C-512/18 et C-520/18.


  • Enfin, la Cour de justice a constaté un manquement de la Hongrie à ses obligations en vertu du droit de l’Union pour avoir imposé des restrictions au financement des organisations civiles par des personnes établies en dehors de son territoire. Une loi hongroise impose, en effet, sous peine de sanctions, des obligations d’enregistrement, de déclaration et de publicité à des organisations civiles bénéficiant d’une aide étrangère dépassant un certain seuil. La Cour de justice a considéré que ces restrictions sont discriminatoires et contraires non seulement aux libertés de circulation des capitaux et d’association mais aussi aux principes de respect de la vie privée (voir section « Une Union fondée sur la valeur de la personne humaine et sur l’État de droit ») et de protection des données personnelles. Arrêt Commission/Hongrie du 18 juin 2020, C-78/18

Protection des consommateurs

La protection des consommateurs est l’une des préoccupations majeures de l’Union. Celle-ci veille à promouvoir leur santé et leur sécurité, à garantir l’application des règles qui les protègent et à améliorer la connaissance des droits dont ils disposent, quel que soit l’endroit du territoire de l’Union où ils vivent, voyagent ou effectuent leurs achats.

En 2020, la Cour de justice s’est prononcée plusieurs fois sur la portée des droits des consommateurs.

 La Cour de justice: garantir les droits des consommateurs de l’Union européenne
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  • La Cour de justice a interprété, pour la première fois, le règlement de l’Union consacrant la « neutralité d’Internet » dans deux affaires hongroises portant sur des pratiques commerciales consistant à accorder des tarifs préférentiels (« tarifs zéro ») pour l’utilisation de certaines applications «privilégiées» et à soumettre, en même temps, l’utilisation des autres applications à des mesures de blocage ou de ralentissement. Elle a jugé que les exigences de protection des droits des utilisateurs d’Internet et de traitement non discriminatoire du trafic s’opposent à de telles pratiques. Arrêt Telenor Magyarország Zrt du 15 septembre 2020, C-807/18 e.a

  • Dans des affaires portant sur des locaux meublés proposés à la location sur le site Internet Airbnb, la Cour de justice a jugé qu’une réglementation nationale soumettant à autorisation la location répétée d’un local destiné à l’habitation, pour de courtes durées, à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile, est conforme au droit de l’Union. La Cour de justice a, en effet, considéré que la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location de longue durée constitue une raison impérieuse d’intérêt général justifiant une telle réglementation. Arrêt Cali Apartments du 22 septembre 2020, C-724/18 e.a.

  • En matière de clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, la Cour de justice a estimé que, dans les contrats de prêt hypothécaire, la clause prévoyant l’application d’un taux d’intérêt variable basé sur un indice de référence des caisses d’épargne nationales constitue une clause abusive lorsqu’elle n’est pas claire et compréhensible. Si tel est le cas, les juridictions nationales peuvent lui substituer une clause fondée sur d’autres critères prescrits par la loi dans le but d’éviter des conséquences particulièrement défavorables aux consommateurs, comme la déclaration de nullité du contrat de prêt. Arrêt Gómez del Moral Guasch du 3 mars 2020, C-125/18

  • La Cour de justice a également précisé que, si une réglementation nationale peut prévoir un délai de prescription pour l’action en restitution du consommateur, ce délai ne doit pas être moins favorable que celui prévu pour des recours similaires ni rendre impossible ou excessivement difficile pour le consommateur l’exercice de ses droits. Arrêt Raiffeisen Bank du 9 juillet 2020, C-698/18 e.a.

  • En matière d’étiquetage d’un produit cosmétique, la Cour de justice a jugé que la mention de la «fonction», devant figurer sur son récipient et son emballage, doit clairement informer le consommateur sur l’usage et le mode d’utilisation de ce produit. Les mentions relatives aux précautions particulières d’emploi de ce produit, à sa fonction et à ses ingrédients ne peuvent, en effet, figurer dans un catalogue d’entreprise à la lecture duquel renvoie le symbole d’une main avec un livre ouvert apposé sur le récipient ou sur l’emballage. Arrêt A.M./E.M. du 17 décembre 2020, C-667/19

  • En matière de protection des consommateurs et de l’environnement, la Cour de justice a jugé qu’un constructeur automobile ne peut pas installer, sur ses véhicules, un logiciel capable de fausser les résultats des tests d’homologation sur les émissions de gaz polluants. Les consommateurs ayant subi un préjudice par l’achat de véhicules illicitement manipulés peuvent intenter une action en justice contre le constructeur automobile devant les juridictions des États membres où ces véhicules leur ont été vendus. En effet, le dommage de l’acquéreur se matérialise dans l’État membre où il acquiert le véhicule pour un prix supérieur à sa valeur réelle. Arrêt CLCV e.a. du 17 décembre 2020, C-693/18 / Arrêt Verein für Konsumenteninformation du 9 juillet 2020, C-343/19

  • Une meilleure protection des consommateurs et de l’environnement découle également de l’arrêt du Tribunal ayant rejeté la demande de PlasticsEurope, association internationale qui représente et défend les intérêts des entreprises fabriquant et important des produits en matières plastiques, et confirmé la décision de l’Agence européenne des produits chimiques qui soumet le bisphénol A à autorisation en tant que substance possédant des propriétés perturbant le système endocrinien et pouvant avoir des effets graves sur l’environnement. Arrêt Plastics Europe du 16 décembre 2020, T-207/18

  • Deux arrêts prononcés en 2020 portent sur la consommation de viande. La Cour de justice a jugé, dans l’un de ces arrêts, que le droit de l’Union ne s’oppose pas à une réglementation nationale imposant l’étourdissement préalable à l’abattage des animaux. (voir section «Une Union fondée sur la valeur de la personne humaine et sur l’État de droit»). Dans l’autre arrêt, le Tribunal a rejeté le recours de deux des plus importants producteurs et distributeurs mondiaux de viande qui cherchaient à obtenir l’annulation d’un règlement leur ayant interdit, pour des motifs de santé publique, d’exporter, vers l’Union, certains produits d’origine animale. En l’occurrence, les autorités brésiliennes n’offraient en effet pas, pour certains établissements nationaux, les garanties requises dans l’Union en matière de santé publique. Arrêt Centraal Israëlitisch Consistorie van België du 17 décembre 2020, C-336/19 / Arrêt BRF et SHB Comercio e Industria de Alimentos du 8 juillet 2020, T-429/18

Le transport aérien

Au cours de l'année écoulée, la Cour de justice a eu l'occasion de développer sa jurisprudence dans le domaine du transport aérien. Un thème récurrent est celui de l'indemnisation des passagers dans un certain nombre de situations. Les droits des consommateurs dans ce domaine sont ainsi renforcés grâce aux clarifications de la Cour de justice.


Que fait la Cour de justice pour nous?
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  • La Cour de justice a considéré que, en cas d’annulation de vol ou de retard important, un passager aérien peut exiger le paiement de l’indemnité prévue par le droit de l’Union dans la monnaie nationale du lieu de sa résidence. Elle a estimé que le droit de l’Union interdit que la demande formée, à cet effet, par un tel passager soit rejetée au seul motif qu’elle a été exprimée dans cette monnaie nationale. Refuser un tel paiement serait, en effet, incompatible avec l’exigence d’une interprétation large des droits des passagers aériens ainsi qu’avec le principe d’égalité de traitement des passagers lésés. Arrêt Delfly du 3 septembre 2020, C-356/19

  • Un contentieux entre la compagnie aérienne TAP et un passager a surgi au sujet de l’indemnisation de ce passager pour un retard à l’arrivée de près de 24 heures d’un vol de Fortaleza (Brésil) à Oslo (Norvège) via Lisbonne (Portugal). Ce retard découlait du fait que, lors d’un précédent vol, l’aéronef ayant opéré le vol Lisbonne-Oslo avait été dévié pour débarquer un passager qui en avait agressé physiquement d’autres. La Cour de justice a jugé que le comportement perturbateur d’un passager aérien peut libérer le transporteur de son obligation d’indemnisation pour l’annulation ou le retard important du vol concerné ou d’un vol suivant opéré par lui-même avec le même aéronef. Arrêt Transportes Aéreos Portugueses du 11 juin 2020, C-74/19

  • Un passager Kazakh s’était vu refuser, à Larnaca (Chypre), l’embarquement sur un vol de la compagnie aérienne roumaine Blue Air à destination de Bucarest (Roumanie). Ce refus d’embarquement avait été motivé par la présentation de documents de voyage jugés inadéquats. Interrogée par une juridiction chypriote, la Cour de justice a estimé qu’il n’appartient pas au transporteur aérien d’établir lui-même, de manière définitive, le caractère inadéquat de tels documents et que, en cas de contestation du passager, il appartient donc à une juridiction nationale d’apprécier si le refus d’embarquement revêt un caractère raisonnablement justifié. Si tel n’est pas le cas, le passager a alors droit à l’indemnisation et à l’assistance prévues par le droit de l’Union. Arrêt Blue Air du 30 avril 2020, C-584/18

  • L’autorité de la concurrence italienne avait reproché à Ryanair d’avoir publié sur son site Internet des prix de service aérien qui n’affichaient pas, dès leur première indication, certains éléments fondamentaux. Interrogée sur ce point, la Cour de justice a considéré que les transporteurs aériens doivent indiquer, dans la publication de leurs offres de prix sur Internet et dès l’offre initiale, le montant de la TVA relative aux vols nationaux, des frais de paiement par carte de crédit ainsi que des frais d’enregistrement lorsqu’aucun mode d’enregistrement gratuit n’est proposé à titre alternatif. Arrêt Ryanair du 23 avril 2020, C-28/19

  • Interrogée par la cour d’appel d’Helsinki (Finlande), la Cour de justice a estimé qu’un passager aérien ayant accepté de voyager sur un vol de réacheminement, pour lequel le transporteur aérien était celui qui devait assurer et avait annulé le vol prévu initialement, a droit à une indemnisation en raison du retard important du vol de réacheminement. Arrêt Finnair du 12 mars 2020, C-832/18

Les travailleurs et la sécurité sociale

Afin de faciliter la libre circulation des travailleurs et de leur famille, l’Union européenne a coordonné les systèmes de sécurité sociale des États membres. Tout en respectant les compétences de chaque État membre pour organiser son propre système, le droit de l’Union, au nom, notamment, du principe d’égalité de traitement, cherche à rapprocher, au maximum, les conditions de travail et d’emploi des travailleurs détachés de celles des travailleurs employés par des entreprises établies dans l’État membre d’accueil. L’objectif poursuivi par le droit de l’Union est de garantir la meilleure protection de la sécurité et de la santé des travailleurs.

Chaque année, la Cour de justice est appelée, à plusieurs reprises, à interpréter le droit de l’Union dans ce domaine. L’année 2020 n’a pas fait exception.


La Cour de justice sur le lieu de travail – protéger les droits des travailleurs
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  • Saisie d’une question concernant les allocations familiales versées par le Grand- Duché de Luxembourg, la Cour de justice a décidé qu’un État membre qui accorde des allocations familiales à tous les enfants résidant sur son territoire ne peut pas exclure de ce bénéfice les enfants du conjoint d’un travailleur transfrontalier avec lesquels ce dernier n’a pas de lien de filiation mais dont il pourvoit à l’entretien. En effet, une telle allocation, qui constitue un avantage social et une prestation de sécurité sociale, est soumise au principe d’égalité de traitement dont bénéficient les travailleurs transfrontaliers et, indirectement, les membres de leur famille. Arrêt Caisse pour l'avenir des enfants du 2 avril 2020, C-802/18

  • Dans un litige opposant une élève allemande, résidant en France, au Land de la Rhénanie- Palatinat où elle fréquente un établissement d’enseignement secondaire, la Cour de justice a jugé que le fait de conditionner le remboursement des frais de transport scolaire à la résidence dans le Land concerné constitue une discrimination indirecte à l’encontre des travailleurs frontaliers et de leur famille, prohibée, en principe, par le droit de l’Union. Dans le cas du transport scolaire dans le Land de la Rhénanie-Palatinat, une telle condition de résidence n’est pas justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général tenant à l’organisation du système scolaire. Arrêt Landkreis Südliche Weinstraße/PF e.a. du 2 avril 2020, C-830/18

  • La Cour de justice a rejeté les recours en annulation, introduits par la Hongrie et la Pologne, contre la directive renforçant les droits des travailleurs détachés. Elle a indiqué que, compte tenu notamment de l’évolution du marché intérieur consécutive aux élargissements successifs de l’Union, le législateur de l’Union pouvait procéder à une réévaluation des intérêts des entreprises bénéficiant de la libre prestation des services et de ceux de leurs travailleurs détachés dans un État membre d’accueil, en vue d’assurer que cette libre prestation s’opère dans des conditions de concurrence équitables entre ces entreprises et celles établies dans cet État membre. Arrêts Hongrie et Pologne/Parlement et Conseil du 8 décembre 2020, C-620 et 626/18

  • Dans le cadre d’une affaire concernant une entreprise de transport néerlandaise faisant appel à des chauffeurs originaires d’Allemagne et de Hongrie, la Cour de justice a jugé que la directive sur le détachement des travailleurs s’applique, en principe, au transport routier, notamment international. Par conséquent, les conventions collectives de l’État membre d’accueil s’appliquent aux travailleurs qui y sont détachés. Toutefois, fait qu’un chauffeur routier international, mis à la disposition d’une entreprise établie dans l’État membre d’accueil, y reçoive les instructions inhérentes à ses missions et y commence ou termine celles-ci, ne suffit pas en soi pour considérer que ce chauffeur a été détaché dans cet État membre. Arrêt Federatie Nederlandse Vakbeweging du 1er décembre 2020, C-815/18

  • La compagnie aérienne espagnole Vueling a été condamnée pénalement pour fraude sociale en France après avoir affilié son personnel navigant, détaché à l’aéroport parisien Roissy-Charles De Gaulle, à la sécurité sociale espagnole plutôt qu’à la sécurité sociale française. Selon la Cour de justice, ce constat définitif de fraude ne peut toutefois lier des juridictions civiles françaises, saisies de demandes en réparation, lorsque, en méconnaissance du droit de l’Union, ledit constat n’a pas été précédé d’un dialogue avec l’institution espagnole, mettant celle-ci en mesure de réexaminer le dossier et, le cas échéant, d’annuler ou de retirer les certificats attestant l’affiliation des travailleurs à la législation espagnole. Arrêt CRPNPAC et Vueling Airlines du 2 avril 2020, C-370/17 e.a.

  • En ce qui concerne le droit au congé annuel payé, la Cour de justice a précisé qu’un travailleur licencié illégalement, puis réintégré dans son ancien emploi, bénéficie de ce droit pour la période comprise entre ces deux évènements, même si, pendant celle-ci, il n’a pas effectivement travaillé. Cependant, lorsque le travailleur, au cours de la période en question, a occupé un nouvel emploi, il pourra faire valoir les droits au congé annuel payé, correspondant à la période pendant laquelle il a occupé cet emploi, uniquement à l’égard du nouvel employeur. Arrêt Varhoven kasatsionen sad na Republika Bulgaria et Iccrea Banca du 25 juin 2020, C-762/18 e.a.

Les aides d’État

Les enjeux liés aux aides d’État posent des questions stratégiques et complexes du point de vue de l’interprétation et de l’application des règles du droit de l’Union.

En 2020, la Cour de justice et le Tribunal ont eu à connaître de décisions, relevant du domaine des aides d’État, liées à des secteurs-clés de l’économie des États membres. Ces affaires reflètent les difficultés de l’application des règles relatives aux aides d’État à des domaines tels que la fiscalité, la politique de l’énergie, la protection de l’environnement ou l’assurance maladie obligatoire.

  • À la question, posée par l’Autriche, de savoir si l’aide d’État accordée pour la construction de la centrale nucléaire de Hinkley Point C au Royaume-Uni pouvait être approuvée par la Commission au motif qu’elle facilitait le développement de certaines activités ou de certaines régions, la Cour de justice a répondu par l’affirmative. Elle a également relevé que, sous réserve du respect des règles du droit de l’Union en matière de protection de l’environnement, le Royaume-Uni était libre de déterminer la composition de son bouquet énergétique. Arrêt Autriche/Commission du 22 septembre 2020, C-594/18 P

  • La Cour de justice a également été appelée à examiner la légalité de la mise à disposition de ressources étatiques au profit de deux organismes d’assurance maladie opérant sous le contrôle des autorités slovaques dans le cadre d’un régime d’assurance maladie obligatoire. Elle a constaté que, en dépit de l’existence d’une certaine concurrence parmi les divers acteurs, tant privés que publics, relevant de ce régime, celui-ci poursuivait un objectif social et mettait en œuvre le principe de solidarité. Par conséquent, elle a jugé, en confirmant ainsi la décision de la Commission, que le cas des deux organismes en cause ne relevait pas des règles de l’Union en matière d’aides d’État. Arrêt Commission et Slovaquie/Dôvera zdravotná poistʼovňa du 11 juin 2020, C-262/18 P e.a.

  • De même, la Cour de justice a examiné la nature des subventions que la France avait octroyées, sous forme d’allègements sur les cotisations salariales, aux pêcheurs et aux aquaculteurs touchés par le naufrage du navire Erika et par des intempéries violentes en 1999. Elle a constaté que ces allègements portaient sur des charges grevant non pas les entreprises mais leurs salariés. Par conséquent, ces allègements ne procuraient aucun avantage à ces entreprises si bien que les règles de l’Union en matière d’aides d’État, qui visent uniquement les entreprises, n’étaient pas applicables à cette situation. La Cour de justice a donc partiellement invalidé la décision de la Commission ordonnant à la France de récupérer ces subventions. Arrêt Ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation/Compagnie des pêches de Saint-Malo du 17 septembre 2020, C-212/19

  • En revanche, la Cour de justice a condamné l’Italie au versement d’une somme forfaitaire de 7,5 millions d’euros et d’une astreinte journalière de 80 000 euros pour ne pas avoir récupéré des aides, d’un montant d’environ 13,7 millions d’euros, illégalement octroyées au secteur hôtelier en Sardaigne. En effet, bien que, en 2008, la Commission ait ordonné à l’Italie de récupérer ces aides et que, en 2012, la Cour de justice ait constaté un manquement de l’Italie à cet égard, cet État membre ne s’était toujours pas acquitté de son obligation de récupération. La Commission a alors introduit un second recours en manquement pour imposer des sanctions pécuniaires à l’Italie, recours que la Cour de justice a accueilli. Arrêt Commission/Italie du 12 mars 2020, C-576/18

  • Le Tribunal a, quant à lui, annulé la décision de la Commission sur la qualification d’aide d’État illégale des rulings fiscaux irlandais en faveur d’Apple. Selon la Commission, l'Irlande avait accordé à Apple environ 13 milliards d'euros d'avantages fiscaux illégaux, qui devaient donc être récupérés par l’État membre auprès de leur bénéficiaire. Toutefois, le Tribunal a constaté que la Commission n’était pas parvenue à démontrer suffisamment que les rulings fiscaux en cause procuraient un avantage économique sélectif à Apple et constituaient une aide d’État en sa faveur. Arrêt Irlande/Commission et Apple Sales International du 15 juillet 2020, T-778/16 et T-892/16

  • De même, le Tribunal a annulé la décision de la Commission déclarant illicites les aides accordées par la Communauté autonome de Valence (Espagne) en faveur des clubs de football espagnols Valencia CF et Elche CF. Selon la Commission, ces aides prenaient la forme de garanties au profit d’associations liées à ces clubs pour couvrir les prêts bancaires que celles-ci avaient souscrits aux fins de participer à l’augmentation du capital du club auquel elles étaient, respectivement, liées. Cependant, le Tribunal a considéré que la décision de la Commission était entachée de plusieurs erreurs concernant, en particulier, l’existence de garanties comparables sur le marché. Arrêts Valencia Club de Fútbol et Elche Club de Fútbol du 12 mars 2020, T-732/16 et T-901/16

  • En revanche, le Tribunal a rejeté les recours contre la décision de la Commission déclarant illégale l’aide de la Région autonome de Sardaigne en faveur de plusieurs compagnies aériennes desservant la Sardaigne. Cette aide, visant à améliorer la desserte aérienne de l’île et à assurer sa promotion en tant que destination touristique, avait été mise à la disposition des bénéficiaires par l’intermédiaire des exploitants des principaux aéroports sardes. Le Tribunal a confirmé que l’aide avait été octroyée non pas à ces exploitants, mais aux compagnies aériennes concernées, qui doivent donc la rembourser. Arrêts Volotea, Germanwings et easyJet du 13 mai 2020, T-607/17, T-716/17 et T-8/18

  • Le Tribunal a également confirmé la décision de la Commission selon laquelle le régime fiscal espagnol applicable à certains accords de location-financement conclus par des chantiers navals avec des groupements d’intérêt économiques (GIE) constituait, en tant que véhicule d'investissement permettant de procurer des avantages fiscaux, un régime d’aides d’État en faveur des membres des GIE concernés. Selon la Commission, ce régime, dans le cadre duquel une compagnie maritime acquiert un navire non pas directement auprès d'un chantier naval mais par l'intermédiaire d’un GIE, était partiellement incompatible avec le marché intérieur en ce qu’il permettait également aux compagnies maritimes de bénéficier d’une réduction de 20 à 30 % sur le prix d’achat de navires construits par des chantiers navals espagnols. Arrêt Espagne/Commission du 23 septembre 2020, T-515/13 RENV e.a.

  • Enfin, le Tribunal a confirmé la décision par laquelle la Commission avait constaté que la garantie publique illimitée accordée par la France à l’IFP Énergies nouvelles (IFPEN), un établissement public français chargé notamment de missions de recherche et de développement dans les domaines de l’énergie, était une mesure partiellement constitutive d’une aide d’État. Le Tribunal a considéré que l’IFPEN et la France ne sont pas parvenus à renverser la présomption selon laquelle l’octroi d’une telle garantie procurait à son bénéficiaire un avantage économique vis-à-vis de ses concurrents. Arrêt France/Commission e.a. du 5 octobre 2020, T-479/11 RENV e.a.

La concurrence

La libre concurrence contribue à l’amélioration du bien-être des citoyens de l’Union en leur offrant un choix plus large de produits et de services de meilleure qualité à des prix plus compétitifs. Afin de parvenir à ce résultat, la règlementation de l’Union s’attache à prévenir les restrictions et les distorsions de la concurrence au sein du marché intérieur. Les normes les plus importantes dans ce domaine sont consacrées par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne: elles interdisent tant les ententes de nature à entraver la libre concurrence que l'exploitation abusive d'une position dominante.

En 2020, la Cour de justice et le Tribunal ont interprété et appliqué ces règles dans de nombreuses affaires concernant différents secteurs de l’économie.

Tribunal de l’UE – Veiller au respect du droit de l’Union par les institutions

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  • Le Tribunal a annulé partiellement des décisions d’inspection de la Commission faisant suite à des soupçons de pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre par plusieurs entreprises françaises du secteur de la distribution. Il a estimé que la Commission n’avait pas démontré détenir des indices suffisamment sérieux permettant de suspecter des échanges d’informations portant sur les stratégies commerciales futures des entreprises concernées. Arrêts Casino e.a. du 5 octobre 2020, T-249/17, T-254/17 et T-255/17

  • Le Tribunal a confirmé l’existence, démontrée par la Commission, d’une entente sur le marché des puces pour cartes entre plusieurs entreprises ayant coordonné leur politique de prix. Le Tribunal a toutefois réduit l’amende infligée par la Commission, notamment à la société Infineon, en tenant compte du nombre limité des contacts anticoncurrentiels que cette dernière avait eus avec ses concurrents ainsi que de l’insuffisance de preuve concernant l’un des contacts retenus par la Commission. Arrêt Infineon Technologies du 8 juillet 2020, T-758/14 RENV

  • Pour la première fois, le Tribunal a été appelé à se prononcer sur la légalité d’une réglementation adoptée par une fédération sportive internationale. Le Tribunal a estimé que la réglementation de l'International Skating Union (Fédération internationale de patinage) entravait la libre concurrence en prévoyant des sanctions contre les athlètes participant à des épreuves de patinage de vitesse non autorisées par elle. Le Tribunal a estimé que les restrictions découlant du système d’autorisation préalable prévu par la règlementation en cause ne sauraient être justifiées par l’objectif de protection de l’intégrité du sport. Arrêt International Skating Union du 16 décembre 2020, T-93/18

  • Le Tribunal a confirmé la décision de la Commission constatant un abus de position dominante de Lietuvos geležinkeliai AB (LG), société nationale des chemins de fer de Lituanie, sur le marché lituanien du fret ferroviaire. LG avait conclu un accord de fret ferroviaire avec la société Orlen en vue de l’acheminement de produits pétroliers vers l’Europe de l’Ouest. À la suite d’un litige avec LG, Orlen avait souhaité confier ce fret à la société nationale des chemins de fer de Lettonie. LG ayant supprimé la ligne ferroviaire reliant le lieu de départ des marchandises, en Lituanie, à la Lettonie, elle avait empêché l’entreprise concurrente lettone de conclure le contrat avec Orlen. Un tel comportement a été jugé constitutif d’un abus de position dominante. Arrêt Lietuvos geležinkeliai AB du 18 novembre 2020, T-814/17

  • Dans le cadre d’un litige entre une société exploitant un hôtel en Allemagne et la société de droit néerlandais Booking.com BV exploitant une plate-forme de réservation d’hébergement, la Cour de justice, saisie par une juridiction allemande, a jugé qu’un hôtel utilisant la plate-forme Booking.com peut agir contre celle-ci devant une juridiction de l’État membre dans lequel cet hôtel est établi pour faire cesser un éventuel abus de position dominante. Booking.com prétendait, de son côté, que l’action à son encontre devait être introduite devant une juridiction de l’État membre où se situe son siège, thèse que la Cour de justice n’a donc pas suivie. Arrêt Wikingerhof GmbH & Co. KG/Booking.com BV. du 24 novembre 2020, C-59/19

  • Une position dominante dans le marché des communications électroniques et dans celui des médias peut mettre en péril le pluralisme de l’information. Cette considération avait inspiré une règlementation italienne qui interdisait aux entreprises ayant une grande puissance sur le premier marché d’acquérir une dimension économique importante dans le second. Dans le contexte de la campagne hostile d’acquisition d’actions de la société italienne Mediaset lancée par la société française Vivendi et du contentieux qui s’en est suivi, la Cour de justice a toutefois jugé qu’une telle règlementation, lorsqu’elle n’est pas de nature à protéger le pluralisme de l’information, constitue une entrave interdite à la liberté d’établissement. Arrêt Vivendi SA du 3 septembre 2020, C-719/18

  • En matière de concentration d’entreprises, le Tribunal a annulé la décision de la Commission refusant le projet de rachat de Telefónica UK par Hutchison 3G UK. Il a jugé que la Commission n’avait pas prouvé qu’un tel rachat entraînerait un obstacle significatif à une concurrence effective dans le marché de la téléphonie mobile britannique. Il a aussi relevé que la Commission n’avait pas démontré qu’une telle opération entraînerait une hausse des prix des services et une réduction de leur qualité. Arrêt CK Telecoms UK Investments du 28 mai 2020, T-399/16

Le secteur bancaire et la fiscalité

Les règles relatives au marché intérieur (« marché unique ») de l’Union permettent de commercialiser librement des biens et des services au sein de l’Union. Afin, notamment, d’éviter les distorsions de concurrence entre entreprises, les États membres sont convenus d’aligner leurs règles en matière d’imposition des biens et des services. Des mesures ont également été prises, au niveau de l’Union, pour coordonner, dans une certaine mesure, les politiques économiques ainsi que les règles d’imposition des sociétés et des revenus, afin de les rendre équitables, efficaces et propices à la croissance. Toutefois, le montant des impôts payés par les particuliers et la façon dont les sommes perçues au titre de ces impôts sont dépensées relèvent de la compétence des États membres.

  • Dans une affaire concernant la société Google Ireland, la Cour de justice a jugé que la réglementation hongroise soumettant les prestataires de services publicitaires établis dans un autre État membre à une obligation de déclaration, aux fins de leur assujettissement à la taxe hongroise sur la publicité, est compatible avec le droit de l’Union et, plus précisément, avec le principe de la libre prestation des services. En revanche, elle a indiqué que ce même principe et le principe de proportionnalité s’opposent à une autre réglementation hongroise qui inflige aux prestataires ne s’étant pas conformés à cette obligation de déclaration, des amendes pouvant, après quelques jours, s’élever à plusieurs millions d’euros. Arrêt Google Ireland du 3 mars 2020, C-482/18

  • Dans une autre affaire hongroise, la Cour de justice a jugé que les impôts spéciaux prélevés en Hongrie sur le chiffre d’affaires des entreprises de télécommunications et des entreprises du secteur du commerce de détail sont compatibles avec le droit de l’Union. Ces entreprises, qui sont majoritairement détenues par des personnes physiques ou morales d’autres États membres, réalisent les chiffres d’affaires les plus importants sur les marchés hongrois concernés et supportent donc principalement ces impôts spéciaux. La Cour de justice a néanmoins jugé que cette circonstance reflète la réalité économique de ces marchés et ne constitue donc pas une discrimination à l’encontre de ces entreprises. Arrêts Vodafone Magyarország et Tesco-Global Áruházak du 3 mars 2020, C-75/18 et C-323/18

  • En 2020, le Tribunal a rendu ses quatre premiers arrêts portant sur des décisions de la Banque centrale européenne (BCE) d’infliger des sanctions pécuniaires au titre de la surveillance prudentielle des établissements de crédit. Il a, ainsi, annulé partiellement trois décisions en raison de leur caractère insuffisamment motivé. En effet, aucune précision n’était donnée quant à la méthodologie appliquée par la BCE aux fins de déterminer le montant des sanctions infligées. Arrêts VQ/BCE du 8 juillet 2020, T-203/18,T-576/18,T-577/18,T-578/18

La propriété intellectuelle

La Cour de justice et le Tribunal assurent l’interprétation et l’application de la réglementation que l’Union a adoptée pour protéger et défendre la propriété intellectuelle (droit d’auteur, droit des marques, protection des dessins et modèles, droit de brevet) en vue d’améliorer la compétitivité des entreprises.

Au cours de l’année 2020, les deux juridictions de l’Union sont intervenues, à de nombreuses reprises, dans ce domaine, en précisant aussi bien les contours de la responsabilité pour atteinte à des droits de propriété intellectuelle que les conditions dans lesquelles la propriété intellectuelle est protégée, avec une attention particulière, en matière de marques, pour les notions de « caractère distinctif » et de « risque de confusion ».

  • En ce qui concerne la responsabilité des personnes et des sociétés pour des atteintes aux droits conférés par une marque de l’Union, la Cour de justice a jugé que le simple entreposage par Amazon, sur sa plate-forme de vente en ligne (Amazon-Marketplace), de produits portant atteinte à un droit de marque ne constitue pas une violation par Amazon de ce droit. En effet, une entreprise qui entrepose, pour le compte d’un tiers vendeur, des produits contrefaisants, sans avoir connaissance de l’atteinte portée à un droit de marque, ne fait pas elle-même un usage illicite de cette marque, à moins qu’elle ne poursuive, comme le vendeur, l’objectif d’offrir les produits à la vente ou de les mettre dans le commerce. Arrêt Coty Germany du 2 avril 2020, C-567/18

  • En ce qui concerne le caractère distinctif indispensable à la validité d’une marque, le Tribunal a rappelé qu’une forme, dont l’enregistrement est demandé en tant que marque tridimensionnelle, est dépourvue de ce caractère lorsqu’elle ne diverge pas de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur concerné. Dans le cas d’un lacet de chaussure, il a indiqué que la nouveauté de sa forme et la beauté de son design ne sont pas suffisantes, à elles seules, pour conclure à l’existence d’un caractère distinctif. En effet, une marque a pour fonction d’indiquer l’origine commerciale du produit et de permettre ainsi aux consommateurs de relier certains produits à une certaine entreprise. Arrêt Hickies du 5 février 2020, T-573/18

  • Dans le même esprit, mais dans le cas d’une marque figurative, le Tribunal a observé qu’un motif à tête de lion entourée de chaînes constitue une forme de réalisation diffusée et typique des boutons et des articles de bijouterie, et est donc dépourvu de caractère distinctif pour ces produits. Dans une autre affaire, il a, par contre, reproché à l’EUIPO de n’avoir pas tenu compte de certaines preuves pour apprécier le caractère distinctif, acquis par l’usage, d’une marque constituée d’un motif à damier pour les sacs et les bagages. Arrêts Pierre Balmain du 5 février 2020, T-331/19 et T-332/19 / Arrêt Louis Vuitton Malletier du 10 juin 2020, T-105/19

  • Une marque verbale est également dépourvue de caractère distinctif lorsqu’elle se limite à décrire une caractéristique du produit pour lequel son enregistrement est demandé. Le Tribunal a estimé que la marque verbale WAVE pour des lampes d’aquarium peut présenter un caractère distinctif, puisque le terme « wave » ne décrit pas une caractéristique de ces lampes. Arrêt Tetra GmbH du 23 septembre 2020, T-869/19

  • C’est précisément sous l’angle de la faiblesse du caractère distinctif de deux signes représentant un cor pour désigner des services postaux, que le Tribunal a exclu un risque de confusion entre eux. La représentation d’un cor postal, sur un fond souvent jaune, est utilisée traditionnellement par les opérateurs postaux nationaux au sein de l’Union. Le public n’associera donc pas le cor postal ou la couleur jaune à une société déterminée, mais, plus généralement, à un nombre indéterminé d’opérateurs postaux nationaux. Arrêt Deutsche Post du 11 novembre 2020, T-25/20

  • Toujours sur le risque de confusion entre deux marques, mais cette fois déposées pour des articles et vêtements de sport, la Cour de justice a jugé que la renommée du joueur de football Lionel Messi est de nature à neutraliser tout risque de confusion entre sa marque MESSI et la marque antérieure MASSI appartenant à une société espagnole. Arrêt Messi du 17 septembre 2020, C-449/18 e.a.

  • Dans une autre affaire portant sur la question de l’appréciation du risque de confusion, le Tribunal a également souligné que la présence du même terme dans deux marques (en l’occurrence, le terme « Teruel » dans les marques AIRESANO BLACK EL IBERICO DE TERUEL et JAMON DE TERUEL CONSEJO REGULADOR DE LA DENOMINACION DE ORIGEN) ne suffit pas à créer un risque de confusion. Arrêt Consejo Regulador du 28 mai 2020, T-696/18

  • S’agissant du critère de similitude entre deux marques, le Tribunal a constaté que la marque verbale LOTTOLAND, déposée pour des services industriels, présente une forte similitude avec les marques figuratives antérieures LOTTO, déposées pour des jeux de hasard. Toutefois, il a relevé qu’aucun lien n’existe entre l’une et les autres, au vu, notamment, de la nature différente des services concernés et des publics pertinents. En raison de cette absence de lien, l’usage de la marque LOTTOLAND ne tire pas indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée des marques antérieures et ne risque pas de leur porter préjudice. Arrêt Lottoland du 11 novembre 2020, T-820/19

  • Il arrive, parfois, qu’un litige portant sur des signes distinctifs n’oppose pas des particuliers ou des entreprises mais des États membres, comme dans celui qui portait sur l’utilisation du terme « Teran » pour une variété de raisins de cuve exploitée en Slovénie et en Croatie. Après l’adhésion, en 2004, de la Slovénie à l’Union, cette dénomination a été reconnue en tant qu’appellation d’origine protégée (AOP). En 2017, un règlement a établi que le terme « Teran » pouvait aussi être utilisé, dès l’adhésion, en 2013, de la Croatie à l’Union, pour certains vins croates. Le Tribunal a rejeté la demande de la Slovénie tendant à l’annulation de ce règlement qui permet aux AOP de coexister pacifiquement sans atteinte aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime. Arrêt Slovénie/Commission du 9 septembre 2020, T-626/17

Le fonctionnement des institutions européennes

Il appartient aux deux juridictions de l’Union de vérifier que les actes (ou l’omission d’adopter certains actes) des institutions, organes et organismes de l’Union respectent le droit de l’Union. Ainsi, la Cour de justice et le Tribunal sont garants de la protection judiciaire des droits des justiciables dès lors que ces derniers sont directement et individuellement concernés par des décisions prises au niveau de l’Union. En revanche, seules les juridictions nationales sont compétentes pour contrôler la légalité, au regard du droit national, des actes des autorités nationales.

  • Les juridictions de l’Union ont été saisies, à plusieurs reprises, par M. Junqueras i Vies, vice-président du Gobierno autonómico de Cataluña (gouvernement autonome de Catalogne, Espagne), au sujet de son élection au Parlement européen en 2019. Le vice-président du Tribunal, puis la vice-présidente de la Cour de justice dans le cadre d’une procédure de pourvoi, ont rejeté sa demande en référé visant à protéger son immunité parlementaire. Le Tribunal a, par ailleurs, déclaré irrecevable sa demande d’annulation de la décision du Parlement européen constatant la vacance de son siège. En effet, cette dernière institution ne pouvait pas remettre en cause les décisions des autorités espagnoles ayant déclaré, sur la base du droit national, la déchéance du mandat de M. Junqueras i Vies et la vacance de son siège au Parlement européen. Ordonnance Junqueras i Vies du 3 mars 2020, T-24/20 R / Ordonnance Junqueras i Vies du 8 octobre 2020, C-201/20 P(R) / Ordonnance Junqueras i Vies du 15 décembre 2020, T-24/20

  • Le Tribunal a rejeté un recours visant à faire constater que le Conseil européen avait illégalement refusé d’exclure le Premier ministre tchèque, en raison d’un prétendu conflit d’intérêts, des réunions de cette institution portant sur l’adoption du cadre financier pluriannuel de l’Union 2021/2027. En effet, le Tribunal a estimé que seuls les États membres sont compétents pour déterminer, parmi leurs chefs d’État ou de gouvernement respectifs, laquelle de ces personnes doit les représenter aux réunions du Conseil européen et pour établir les motifs pouvant conduire à l’impossibilité, pour l’une de ces personnes, de les représenter dans les réunions de cette institution. Ordonnance Wagenknecht du 17 juillet 2020, T-715/19

  • M. Shindler et d’autres ressortissants du Royaume-Uni résident depuis longtemps en Italie et en France. Pour cette raison, ils n’ont pas été autorisés à participer ni au référendum sur le Brexit ni aux élections législatives de 2017 alors que ces scrutins étaient déterminants pour le maintien de leur qualité de citoyens de l’Union. Ils ont donc saisi le Tribunal d’un recours visant à faire « constater la carence » de la Commission du fait de son « omission illégale à ne pas préserver la citoyenneté européenne ». Le Tribunal a rejeté le recours en jugeant que la Commission n’est pas compétente pour adopter un acte contraignant destiné à maintenir, à compter du retrait du Royaume-Uni de l’Union, la citoyenneté européenne de certains ressortissants du Royaume-Uni. Ordonnance Shindler du 14 juillet 2020, T-627/19

B | LES CHIFFRES CLÉS DE L'ACTIVITÉ JUDICIAIRE

Cour de justice

La Cour de justice peut principalement être saisie:

  • de demandes de décision préjudicielle, lorsqu’un juge national a des doutes sur l’interprétation d’un acte adopté par l’Union ou sur sa validité. Le juge national suspend alors la procédure qui se tient devant lui et saisit la Cour de justice, qui se prononce sur l’interprétation à donner aux dispositions en question ou sur leur validité. Une fois éclairé par la décision rendue par la Cour de justice, le juge national peut alors résoudre le litige qui lui est soumis. Dans les affaires appelant une réponse dans un délai très bref (par exemple en matière d’asile, de contrôle aux frontières, d’enlèvements d’enfants, etc.), une procédure préjudicielle d’urgence (« PPU ») est prévue;
  • de pourvois, dirigés contre les décisions rendues par le Tribunal, qui sont des voies de recours dans le cadre desquelles la Cour de justice peut annuler la décision du Tribunal;
  • de recours directs, qui visent principalement:
    • à obtenir l’annulation d’un acte de l’Union («recours en annulation») ou
    • à faire constater le manquement d’un État membre au droit de l’Union («recours en manquement»). Si l’État membre ne se conforme pas à l’arrêt ayant constaté le manquement, un second recours, appelé recours en «double manquement», peut conduire la Cour de justice à lui infliger une sanction pécuniaire;
  • de demandes d’avis sur la compatibilité avec les traités d’un accord que l’Union envisage de conclure avec un État tiers ou une organisation internationale. Cette demande peut être introduite par un État membre ou par une institution européenne (Parlement, Conseil ou Commission).

735 Affaires introduites

Procédures préjudicielles 556 dont 9 PPUS

Principaux États membres d’origine des demandes Allemagne 139 Autriche 50 Italie 44 Pologne 41 Belgique 36

37 Recours directs dont 18 recours en manquement et 2 recours en «double manquement»

131 Pourvois contre les décisions du Tribunal

1 Demande d’avis

8 Demandes d’aide juridictionnelle

Une partie qui n’est pas en mesure de faire face aux frais de l’instance peut demander à bénéficier de l’aide juridictionnelle gratuite.

792 Affaires réglées

Procédures préjudicielles

534 dont 9 PPU

37 Recours directs

dont 26 Manquements constatés contre 14 États membres

3 Recours en «double manquement»

204 Pourvois contre les décisions du Tribunal

dont 40 ont annulé la décision adoptée par le Tribunal

15.4 mois Durée moyenne des procédures

3.9 mois Procédures préjudicielles d’urgence

1 045 Affaires pendantes au 31 décembre 2020

Principales matières

Agriculture 26

Espace de liberté, de sécurité et de justice 119

Protection des consommateurs 56

Union douanière 24

Environnement 48

Libertés de circulation et d’établissement et marché intérieur 96

Propriété intellectuelle et industrielle 27

Droit social 56

Aides d’État et concurrence 104

Fiscalité 95

Transports 86

Tribunal

Le Tribunal peut être saisi, en première instance, des recours directs formés par les personnes physiques ou morales (sociétés, associations, etc.) et par les États membres contre les actes des institutions, organes ou organismes de l’Union européenne et des recours directs visant à obtenir la réparation des dommages causés par les institutions ou leurs agents. Une large partie de son contentieux est de nature économique: propriété intellectuelle (marques, dessins et modèles de l’Union européenne), concurrence, aides d’État et surveillance bancaire et financière.

Le Tribunal est également compétent pour statuer en matière de fonction publique sur les litiges entre l’Union européenne et ses agents.

Les décisions du Tribunal peuvent faire l’objet d’un pourvoi, limité aux questions de droit, devant la Cour de justice. Dans les affaires ayant déjà bénéficié d’un double examen (par une chambre de recours indépendante, puis par le Tribunal) la Cour de justice admet la demande de pourvoi uniquement s’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

847 Affaires introduites

729 Recours directs

dont 69 Aides d’État et concurrence (incluant 2 recours introduits par les États membres)

282 Propriété intellectuelle et industrielle

118 Fonction publique de l’UE

260 autres recours directs (incluant 10 recours introduits par les États membres)

75 Demandes d’aide juridictionnelle

Une partie qui n’est pas en mesure de faire face aux frais de l’instance peut demander à bénéficier de l’aide juridictionnelle gratuite.

748 Affaires réglées

631 Recours directs

dont 41 Aides d’État et concurrence

237 Propriété intellectuelle et industrielle

79 Fonction publique de l’UE

274 autres recours directs

15.4 mois Durée moyenne des procédures

23% Proportion de décisions ayant fait l’objet d’un pourvoi devant la Cour de justice

1 497 Affaires pendantes au 31 décembre 2020

Principales matières du recours

Accès aux documents24

Agriculture21

Concurrence78

Politique économique et monétaire156

Environnement14

Propriété intellectuelle et industrielle319

Marchés publics21

Mesures restrictives65

Statut des fonctionnaires de l’UE182

Aides d’État 292