L’activité judiciaire

A | La Cour de justice en 2023
B | Le Tribunal en 2023
C | La jurisprudence en 2023

 
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A | La Cour de justice en 2023

La Cour de justice peut principalement être saisie de :

  • demandes de décision préjudicielle

Lorsqu’un juge national a des doutes sur l’interprétation d’une norme de l’Union ou sur sa validité, il suspend la procédure qui se tient devant lui et saisit la Cour de justice. Une fois éclairé par la décision rendue par la Cour de justice, le juge national peut alors résoudre le litige qui lui est soumis. Dans les affaires appelant une réponse dans un délai très bref (par exemple en matière d’asile, de contrôle aux frontières, d’enlèvements d’enfants, etc.), une procédure préjudicielle d’urgence (« PPU ») est prévue ;

  • recours directs, qui visent à :
    • obtenir l’annulation d’un acte de l’Union (« recours en annulation ») ou
    • faire constater qu’un État membre ne respecte pas le droit de l’Union (« recours en manquement »). Si l’État membre ne se conforme pas à l’arrêt ayant constaté son manquement, un second recours, appelé recours en « double manquement », peut conduire la Cour de justice à lui infliger une sanction pécuniaire ;
  • pourvois dirigés contre les décisions rendues par le Tribunal, à l’issue desquels la Cour de justice peut annuler la décision du Tribunal ;
  • demandes d’avis sur la compatibilité avec les traités d’un accord que l’Union envisage de conclure avec un État tiers ou une organisation internationale (introduites par un État membre ou par une institution européenne).

L’activité et l’évolution de la Cour de justice

Les derniers mois de l’année 2023 ont été marqués par les négociations relatives à la demande législative, adressée en novembre 2022 par la Cour de justice au Parlement européen et au Conseil, en vue, d’une part, de transférer au Tribunal la compétence préjudicielle de la Cour dans six matières spécifiques (la taxe sur la valeur ajoutée, les droits d’accise, le code des douanes, le classement tarifaire des marchandises dans la nomenclature combinée, l’indemnisation et l’assistance des passagers, ainsi que le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre) et, d’autre part, d’élargir le champ d’application du mécanisme, entré en vigueur en mai 2019, d’admission préalable des pourvois contre les décisions du Tribunal. Le but de cette demande législative est de permettre d’assurer, dans l’intérêt des justiciables à une justice de qualité rendue dans des délais raisonnables, un meilleur équilibre de la charge de travail entre la Cour de justice et le Tribunal, lequel est doté, depuis le mois de juillet 2022, de deux juges par État membre (soit 54 au total).

La Cour de justice sera ainsi en mesure de se concentrer davantage sur ses missions centrales de juridiction constitutionnelle et suprême de l’Union. À l’image de ces dernières années, le contentieux porté devant la Cour, que ce soit par la voie préjudicielle ou à travers des recours directs (recours en manquement notamment), se singularise en effet par des thématiques sensibles, qui mobilisent régulièrement la grande chambre, telles que la préservation des valeurs de l’État de droit dans le contexte de réformes judiciaires nationales, la politique d’asile et d’immigration, la protection des données personnelles et l’application des règles de concurrence à l’ère du numérique, la lutte contre les discriminations ou encore les enjeux environnementaux, énergétiques et climatiques.

S’agissant du transfert partiel de la compétence préjudicielle au Tribunal, celui-ci reposera sur deux principes de base, dictés par des considérations de sécurité juridique, de célérité et de transparence : le principe du « guichet unique », selon lequel toute demande de décision préjudicielle devra toujours être adressée à la Cour, qui déterminera si une affaire préjudicielle relève, ou non, exclusivement de l’une ou de plusieurs des matières spécifiques précitées et le principe d’un transfert intégral de l’ensemble des affaires préjudicielles se rattachant exclusivement à l’une ou à l’autre de ces matières spécifiques. Si, en revanche, l’affaire ne relève pas exclusivement de celles-ci, notamment en ce qu’elle soulève des questions indépendantes d’interprétation du droit primaire ou de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, elle sera traitée par la Cour.

Le transfert d’une affaire préjudicielle au Tribunal sera toutefois sans préjudice de la faculté, pour ce dernier, de renvoyer celle-ci devant la Cour de justice s’il estime qu’elle appelle une décision de principe et de la possibilité pour la Cour de justice de procéder, à titre exceptionnel, à un réexamen de la décision rendue par le Tribunal en cas de risque sérieux d’atteinte à l’unité ou à la cohérence du droit de l’Union.

Après plusieurs mois d’examen et de négociations, un accord politique a été trouvé sur cette demande législative en décembre 2023. Dans le cadre de cet accord, il a notamment été prévu que les mémoires ou observations écrites déposés par une partie ayant participé à la procédure préjudicielle seront publiés sur le site internet de la Cour dans un délai raisonnable après la clôture de l’affaire, sauf si cette partie s’oppose à cette publication.

Le calendrier précis de l’adoption formelle des modifications du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que la date d’entrée en vigueur de ces modifications ne sont pas encore connus de manière définitive à l’heure où ces lignes sont écrites et il reste encore des travaux à mener à bien, s’agissant en particulier de la modification des règlements de procédure de la Cour de justice et du Tribunal que nécessite l’application de cette réforme. Cette approbation de principe ouvre néanmoins la porte à une redéfinition des contours du fonctionnement des juridictions de l’Union pour les années à venir.

Sur le plan de sa composition, la Cour a connu une évolution en 2023, liée au départ de M. l’avocat général Pitruzzella à la suite de sa nomination comme juge à la Cour constitutionnelle italienne.

Quant aux statistiques de l’année écoulée, elles traduisent, à nouveau, le caractère soutenu des activités de la Cour de justice ces dernières années. En 2023, la Cour a ainsi été saisie de 821 affaires, soit quelques affaires de plus qu’en 2022, et elle en a clôturé 783, soit un nombre assez similaire à celui des trois années précédentes. La durée moyenne des procédures, toutes natures d’affaires confondues, s’établissait à 16,1 mois et le nombre d’affaires pendantes au 31 décembre 2023 était de 1149 affaires.

Koen Lenaerts

Président de la Cour de justice de l’Union européenne

 
821
affaires introduites
518
procédures préjudicielles dont
2
PPU
Principaux États membres d’origine des demandes :
Allemagne
94
Bulgarie
51
Pologne
48
Italie
43
Roumanie
40
60
recours directs dont :
49
recours en manquement et
3
recours en « double manquement »
231
pourvois contre les décisions du Tribunal
8
demandes d’aide juridictionnelle
Une partie qui n’est pas en mesure de faire face aux frais de l’instance peut demander à bénéficier de l’aide juridictionnelle.
 
783
affaires réglées
532
procédures préjudicielles dont
4
PPU
36
recours directs dont
18
manquements constatés contre
13
États membres
3
arrêts en « double manquement »
201
pourvois contre les décisions du Tribunal dont
37
pourvois annulant la décision du Tribunal
Durée moyenne des procédures :
16,1 mois
Durée moyenne des procédures
préjudicielles d’urgence :
4,3 mois
 
1 149
affaires pendantes au 31 décembre 2023
Principales matières traitées
Aides d’État et concurrence
143
Espace de liberté, de sécurité et de justice
118
Rapprochement des législations
88
Fiscalité
83
Protection des consommateurs
76
Transports
63
Environnement
51
Principes du droit de l'Union
50
Politique sociale
47
Propriété intellectuelle
47

Les membres de la Cour de justice

La Cour de justice est composée de 27 juges et de 11 avocats généraux.

Les juges et les avocats généraux sont désignés d'un commun accord par les gouvernements des États membres, après consultation d'un comité chargé de donner un avis sur l'adéquation des candidats proposés à l'exercice des fonctions en cause. Leur mandat est de six ans, renouvelable.

Ils sont choisis parmi des personnalités offrant toutes les garanties d'indépendance et qui réunissent les conditions requises pour l'exercice, dans leur pays respectif, des plus hautes fonctions juridictionnelles ou qui possèdent des compétences notoires.

Les juges exercent leurs fonctions en toute impartialité et indépendance.

Les juges de la Cour de justice désignent parmi eux le président et le vice-président. Les juges et les avocats généraux nomment le greffier pour un mandat de six ans.

Les avocats généraux sont chargés de présenter, en toute impartialité et en toute indépendance, un avis juridique dénommé « conclusions » dans les affaires dont ils sont saisis. Cet avis n’est pas contraignant, mais permet d’apporter un regard complémentaire sur l’objet du litige.

En 2023, aucun nouveau membre n’a été nommé à la Cour de justice.

K. Lenaerts

Président

L. Bay Larsen

Vice-président

A. Arabadjiev

Président de la Ire chambre

A. Prechal

Présidente de la IIe chambre

K. Jürimäe

Présidente de la IIIe chambre

C. Lycourgos

Président de la IVe chambre

E. Regan

Président de la Ve chambre

M. Szpunar

Premier Avocat général

T. von Danwitz

Président de la VIe chambre

F. Biltgen

Président de la VIIe chambre

N. J. Cardoso da Silva Piçarra

Président de la VIIIe chambre

Z. Csehi

Président de la Xe chambre

O. Spineanu-Matei

Présidente de la IXe chambre

J. Kokott

Avocate générale

M. Ilešič

Juge

J.-C. Bonichot

Juge

M. Safjan

Juge

S. Rodin

Juge

M. Campos Sánchez-Bordona

Avocat général

P. G. Xuereb

Juge

L. S. Rossi

Juge

I. Jarukaitis

Juge

P. Pikamäe

Avocat général

A. Kumin

Juge

N. Jääskinen

Juge

N. Wahl

Juge

J. Richard de la Tour

Avocat général

A. Rantos

Avocat général

I. Ziemele

Juge

J. Passer

Juge

D. Gratsias

Juge

M. L. Arastey Sahún

Juge

A. M. Collins

Avocat général

M. Gavalec

Juge

N. Emiliou

Avocat général

T. Ćapeta

Avocate générale

L. Medina

Avocate générale

A. Calot Escobar

Greffier

Ordre protocolaire à partir du 15/11/2023

B | Le Tribunal en 2023

Le Tribunal peut principalement être saisi, en première instance, des recours directs formés par les personnes physiques ou morales (individus, sociétés, associations, etc.), lorsqu’elles sont individuellement et directement concernées, et par les États membres contre les actes des institutions, organes ou organismes de l’Union européenne, ainsi que des recours directs visant à obtenir la réparation des dommages causés par les institutions ou leurs agents.

Une large partie de son contentieux est de nature économique : propriété intellectuelle (marques, dessins et modèles de l’Union européenne), concurrence, aides d’État et surveillance bancaire et financière.

Le Tribunal est également compétent pour statuer en matière de fonction publique sur les litiges entre l’Union européenne et ses agents.

Les décisions du Tribunal peuvent faire l’objet d’un pourvoi, limité aux questions de droit, devant la Cour de justice. Dans les affaires ayant déjà bénéficié d’un double examen (par une chambre de recours indépendante, puis par le Tribunal), la Cour de justice admet la demande de pourvoi uniquement s’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

L’activité et l’évolution du Tribunal

Marc van der Woude

Président du Tribunal

Au cours de l’année 2023, la réforme du Tribunal prévoyant le doublement du nombre de ses juges (règlement nº 2015/2422) a pleinement déployé ses effets. Les statistiques judiciaires de la juridiction en témoignent. Le Tribunal a clôturé 904 affaires pour 868 affaires introduites (abstraction faite de 404 affaires identiques introduites en fin d’année), réduisant ainsi le nombre d’affaires pendantes. Par ailleurs, la durée moyenne des procédures a été maintenue à un niveau satisfaisant : 18,2 mois en moyenne, ce qui est un indicateur d’une gestion efficace des affaires.

Dans le même temps, le Tribunal a consolidé sa pratique consistant à renvoyer davantage d’affaires devant des formations élargies. En 2023, 13,6 % des affaires clôturées l’ont été par des formations élargies et pas moins de 120 affaires ont été renvoyées à de telles formations. Pour certaines affaires d’une importance exceptionnelle, le Tribunal n’hésite plus à les renvoyer devant sa grande chambre, composée de 15 juges. En particulier, c’est dans cette formation solennelle que le Tribunal a rendu l’arrêt dans l’affaire Venezuela / Conseil concernant des mesures restrictives prises par le Conseil de l’Union européenne à l’encontre d’entreprises et de ressortissants vénézuéliens (T‑65/18 RENV; voir le chapitre « Retour sur les grands arrêts de l’année »). Ont également été renvoyées devant la grande chambre quatre affaires introduites par quatre organisations européennes de juges concernant le plan national de reprise et de résilience polonais (T 530/22 à T 533/22), et deux affaires liées aux mesures restrictives mises en œuvre par l’Union européenne envers la Russie en raison de la guerre en Ukraine (affaires T 635/22 et T 644/22).

Ces résultats satisfaisants sont en partie dus à la stabilité de la composition de la juridiction. En effet, seuls deux de ses juges ont quitté leur fonction en 2023, à savoir MM. les juges Frimodt Nielsen et Valančius, remplacés respectivement par M. le juge Kalėda et Mme la juge Spangsberg Grønfeldt. Qu’ils soient ici remerciés pour leur contribution à la bonne administration de la justice de l’Union. L’année 2023 a vu également le départ de M. le greffier Coulon, après 18 années de bons et loyaux services, ainsi que l’arrivée de son successeur, M. Di Bucci. Un colloque sur le droit procédural de l’Union, qui a mêlé hommages et interventions de haut niveau, a été organisé à l’occasion du départ de M. Coulon.

Tout au long de l’année 2023, le Tribunal a poursuivi son processus de modernisation, notamment pour améliorer le traitement des affaires les plus volumineuses et complexes. Ces affaires, généralement dans le domaine du droit économique et financier, méritent une approche proactive et adaptée tant au niveau de l’allocation des ressources, que sur le plan de la planification des travaux. Cette approche, à laquelle les représentants des parties seront associés, permettra de réduire la durée d’instance et de répondre de façon plus ciblée aux attentes des parties.

En outre, afin de répondre pleinement aux attentes légitimes des justiciables dans la perspective d’un transfert partiel de la compétence préjudicielle pour certaines matières spécifiques et de l’extension du mécanisme d’admission préalable des pourvois, le Tribunal a travaillé tout au long de l’année 2023 sur les évolutions nécessaires de ses modalités d’organisation ainsi que sur ses futures règles procédurales.

 
1 271 *
affaires introduites
1 148
recours directs dont :
Propriété intellectuelle et industrielle
309
Fonction publique de l’UE
75
Aides d’État et concurrence
23
13
recours introduits par les États membres
65
demandes d’aide juridictionnelle
Une partie qui n’est pas en mesure de faire face aux frais de l’instance peut demander à bénéficier de l’aide juridictionnelle.
* En fin d’année 2023 a été introduite au Tribunal une série exceptionnelle de 404 affaires, en substance identiques, concernant les droits acquis ou en cours d’acquisition dans le régime de pension complémentaire des députés européens. Ces affaires ont été jointes. Si on les comptabilise comme une seule affaire, les chiffres nets sont de 868 affaires introduites (745 recours directs) et de 1 438 affaires pendantes.

Innovations jurisprudentielles

Savvas S. Papasavvas

Vice-président du Tribunal

Le contentieux du Tribunal est en perpétuelle évolution. Sous l’impulsion des recours formés par les justiciables, chaque arrêt apporte une pierre à l’édifice jurisprudentiel. L’année 2023 n’a pas fait exception à la règle et a vu le Tribunal aborder des questions nouvelles dans des domaines classiques mais aussi poser les jalons de contentieux en plein développement. Elle a également été l’occasion pour la grande chambre de se réunir autour d’une question singulière de politique étrangère et de sécurité commune.

Dès sa création, le contrôle de l’application des règles de concurrence a fait partie du contentieux confié au Tribunal. Celui-ci bénéficie ainsi d’une expertise particulière dans ce domaine. L’environnement juridique étant toutefois, dans cette matière comme dans d’autres, en perpétuel mouvement, des questions inédites se présentent constamment à son examen. Tel est notamment le cas de l’arrêt du 24 mai 2023, Meta Platforms Ireland / Commission (T‑451/20), dans lequel le Tribunal a examiné, pour la première fois, la légalité d’une demande de renseignements par termes de recherche au titre du règlement no 1/2003 ainsi que la légalité d’une procédure de salle de données virtuelle pour le traitement de documents contenant des données à caractère personnel sensibles. Il s’agissait pour le Tribunal de s’assurer que la Commission avait limité sa demande aux seuls renseignements nécessaires à la vérification des présomptions d’infractions qui justifiaient la conduite de son enquête (voir l’article « Focus »).

De même, pour classique et encadré qu’il soit, le régime de la responsabilité non contractuelle de l’Union européenne a donné lieu à d’intéressantes et inédites questions. Le Tribunal a, en effet, été saisi d’un recours en réparation des préjudices matériel et moral que l’International Management Group aurait subis à la suite de la fuite, dans la presse, d’un rapport d’enquête de l’Office européen de lutte anti-fraude (OLAF) sur son statut juridique. Le requérant invoquait l’illégalité des comportements de la Commission, avec laquelle il avait conclu plusieurs conventions, ainsi que ceux de l’OLAF. À cette occasion, dans un arrêt du 28 juin 2023, IMG / Commission (T‑752/20), le Tribunal a apporté des précisions sur les conditions à remplir afin d’établir la violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.

Au palmarès des contentieux en plein développement, celui des affaires bancaires et financières figure en bonne place. Plus précisément, le Tribunal est amené à connaître un nombre croissant de recours découlant de la mise en place, en 2014, du Mécanisme de résolution unique. Ce mécanisme prévoit un cadre de gestion des crises bancaires pour la résolution des banques importantes dans certains États membres. Il s’appuie notamment sur le Conseil de résolution unique qui a pour mission de préparer et de mettre en œuvre la résolution des banques dont la défaillance est probable ou avérée. En particulier, par plusieurs arrêts rendus le 22 novembre 2023, le Tribunal s’est prononcé de manière inédite sur une demande d’annulation d’une décision du Conseil de résolution unique concernant l’éventuel dédommagement des actionnaires et des créanciers affectés à la suite d’une résolution bancaire (les affaires jointes T‑302/20, T‑303/20 et T‑307/20 Del Valle Ruíz e.a. / CRU, ainsi que les affaires T‑304/20 Molina Fernández / CRU, T‑330/20 ACMO e.a. / CRU et T‑340/20 Galván Fernández-Guillén / CRU).

Enfin, comment ne pas signaler, au titre des nouveautés jurisprudentielles ayant marqué l’année écoulée, l’arrêt du 13 septembre 2023, Venezuela / Conseil (T‑65/18 RENV ; voir le chapitre « Retour sur les grands arrêts de l’année »). Siégeant en grande chambre, le Tribunal s’est prononcé sur la légalité de mesures restrictives visant un État tiers, en l’occurrence le Venezuela, en raison de la dégradation constante, dans ce pays, de la situation en termes de démocratie, d’État de droit et de droits de l’homme. Dans ce cadre, le Tribunal a été amené à se pencher sur les délicates questions du droit d’être entendu de cet État tiers et sur les prétendues violations du droit international invoquées par celui-ci.

 
904
affaires réglées
786
recours directs dont :
Propriété intellectuelle et industrielle
278
Aides d’État et concurrence
163
Fonction publique de l’UE
66
14
recours introduits par les États membres
Durée moyenne des procédures :
18,2 mois
Proportion de décisions ayant fait l’objet d’un pourvoi
devant la Cour de justice :
31 %
 
1 841
affaires pendantes au 31 décembre 2023
Principales matières traitées
Droit institutionnel
543
Propriété intellectuelle et industrielle
330
Politique économique et monétaire
238
Aides d’État et concurrence
176
Mesures restrictives
116
Fonction publique de l’UE
111
Accès aux documents
35
Santé publique
32
Agriculture
30
Politique commerciale
29

Les membres du Tribunal

Le Tribunal est composé de deux juges par État membre.

Les juges sont choisis parmi les personnes offrant toutes les garanties d’indépendance et possédant la capacité requise pour l’exercice de hautes fonctions juridictionnelles. Ils sont nommés d’un commun accord par les gouvernements des États membres, après consultation d’un comité chargé de donner un avis sur l’adéquation des candidats. Leur mandat est de six ans, renouvelable. Ils désignent parmi eux, pour trois ans, le président et le vice-président. Ils nomment le greffier pour un mandat de six ans.

Les juges exercent leurs fonctions en toute impartialité et indépendance.

En septembre 2023, deux juges sont entrés en fonctions au Tribunal : M. Saulius Lukas Kalėda (Lituanie) et Mme Louise Spangsberg Grønfeldt (Danemark).

En juillet 2022, sont entrés en fonctions en tant que juges au Tribunal, M. Tihamér Tóth (Hongrie) et Mme Beatrix Ricziová (Slovaquie).

M. van der Woude

Président

S. S. Papasavvas

Vice-président

D. Spielmann

Président de la Ire chambre

A. Marcoulli

Présidente de la IIe chambre

F. Schalin

Président de la IIIe chambre

R. da Silva Passos

Président de la IVe chambre

J. Svenningsen

Président de la Ve chambre

M. J. Costeira

Présidente de la VIe chambre

K. Kowalik-Bańczyk

Présidente de la VIIe chambre

A. Kornezov

Président de la VIIIe chambre

L. Truchot

Président de la IXe chambre

O. Porchia

Présidente de la Xe chambre

M. Jaeger

Juge

H. Kanninen

Juge

J. Schwarcz

Juge

M. Kancheva

Juge

E. Buttigieg

Juge

V. Tomljenović

Juge

S. Gervasoni

Juge

L. Madise

Juge

N. Półtorak

Juge

I. Reine

Juge

P. Nihoul

Juge

U. Öberg

Juge

C. Mac Eochaidh

Juge

G. De Baere

Juge

R. Frendo

Juge

T. R. Pynnä

Juge

J. C. Laitenberger

Juge

R. Mastroianni

Juge

J. Martín y Pérez de Nanclares

Juge

G. Hesse

Juge

M. Sampol Pucurull

Juge

M. Stancu

Juge

P. Škvařilová-Pelzl

Juge

I. Nõmm

Juge

G. Steinfatt

Juge

R. Norkus

Juge

T. Perišin

Juge

D. Petrlík

Juge

M. Brkan

Juge

P. Zilgalvis

Juge

K. Kecsmár

Juge

I. Gâlea

Juge

I. Dimitrakopoulos

Juge

D. Kukovec

Juge

S. Kingston

Juge

T. Tóth

Juge

B. Ricziová

Juge

E. Tichy- Fisslberger

Juge

W. Valasidis

Juge

S. Verschuur

Juge

S. Lukas Kalėda

Juge

L. Spangsberg Grønfeldt

Juge

V. Di Bucci

Greffier

Ordre protocolaire à partir du 27/09/2023

C | La jurisprudence en 2023

Focus

Interaction entre protection des données à caractère personnel et droit de la concurrence

Arrêt Meta Platforms e.a. du 4 juillet 2023 (C‑252/21)

L’autorité fédérale allemande de la concurrence a interdit aux sociétés du groupe Meta de subordonner l’utilisation du réseau social Facebook par ses utilisateurs en Allemagne au traitement de leurs données « off Facebook » sans leur consentement. Elle a considéré que le traitement des données en cause n’était pas conforme au règlement général sur la protection des données (RGPD) et constituait dès lors un abus, par le groupe Meta, de sa position dominante.

Saisie par une juridiction allemande dans le cadre d’un litige introduit par le groupe Meta contre cette interdiction, la Cour de justice a jugé qu’une autorité de la concurrence d’un État membre est en droit de constater, dans le cadre d’une enquête sur un abus de position dominante, une violation du RGPD. Elle doit néanmoins coopérer loyalement avec les autorités de contrôle spécifiques mises en place par ce règlement. Si le comportement examiné a déjà fait l'objet d’une décision de la part de ces autorités ou de la Cour, l’autorité de concurrence est liée par leurs appréciations relatives au RGPD.

La Cour s’est aussi prononcée sur la question de savoir si le traitement de données dites « sensibles », en principe interdit par le RGPD, peut exceptionnellement être permis dans les cas où ces données ont été manifestement rendues publiques par la personne concernée. Elle a jugé que le seul fait qu’un utilisateur consulte des sites Internet ou des applications susceptibles de révéler des données sensibles, comme l’origine raciale ou ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou l’orientation sexuelle, ne signifie pas qu’il rend manifestement publiques ses données, au sens du RGPD. Il en va de même lorsqu’un utilisateur insère des données ou active des boutons de sélection intégrés, à moins qu’il ait au préalable explicitement exprimé son choix de rendre ces données publiquement accessibles à un nombre illimité de personnes.

Le fait que l’opérateur du réseau occupe une position dominante n’empêche pas que l’utilisateur puisse valablement et librement consentir au traitement de ses données. Toutefois, étant donné que cette position dominante peut affecter la liberté de choix des utilisateurs, il s‘agit d’un élément important pour déterminer si ce consentement a effectivement été donné valablement. La Cour ajoute que c’est à l’opérateur de prouver l’existence de ce consentement.

RGPD

Le règlement général sur la protection des données (RGPD) uniformise et encadre le droit de l’Union en matière de protection des données personnelles sous un régime unique.

Le RGPD impose des obligations à tout organisme, qu’il soit public ou privé, dès lors qu’il collecte des données personnelles sur le territoire de l’Union. Les organismes contrevenant aux obligations du RGPD s’exposent à différents types de sanctions.

À l’ère du numérique, l’Union consacre avec le RGPD de nombreux droits en faveur des personnes, tels que le droit à l’information, à l’oubli, à l’accès ou à l’effacement des données personnelles collectées, contribuant à renforcer la protection de leur vie privée. Ces règles sont considérées comme les plus strictes au monde en ce qui concerne la protection des données.

Données « off Facebook »

Meta Platforms Ireland gère l’offre du réseau social en ligne Facebook dans l’Union. En s’inscrivant à Facebook, ses utilisateurs acceptent les conditions générales établies par cette société et qui contiennent les politiques d’utilisation des données et des cookies. En vertu de ces politiques, Meta Platforms Ireland collecte des données relatives aux activités des utilisateurs à l’intérieur et à l’extérieur du réseau social et les met en relation avec les comptes Facebook des utilisateurs concernés. Ces données, également désignées comme des données « off Facebook », concernent notamment la consultation de pages Internet et d’applications tierces ainsi que l’utilisation d’autres services en ligne appartenant au groupe Meta (dont Instagram et WhatsApp). La collecte de ces données permet de personnaliser les messages publicitaires destinés aux utilisateurs de Facebook.

Focus

Arrêt European Superleague Company du 21 décembre 2023 (C‑333/21)

La FIFA et l’UEFA sont des fédérations de football internationales qui encadrent le football professionnel en Europe. Elles ont adopté des règles qui leur confèrent le pouvoir d’autoriser les compétitions européennes de football interclubs et d’exploiter les différents droits médias correspondants. L’UEFA organise également des compétitions entre clubs européens, comme, par exemple, la Ligue des champions.

Douze clubs européens de football ont souhaité mettre en place un projet de nouvelle compétition de football : la Superleague. Ce projet est susceptible d’affecter le déroulement des compétitions interclubs de l’UEFA et l’exploitation des droits médias correspondants. La FIFA et l’UEFA se sont opposées au projet et ont menacé d’imposer des sanctions aux clubs et aux joueurs qui décideraient d’y participer.

L’entreprise responsable du projet, European Superleague Company, a contesté les règles de la FIFA et de l’UEFA devant un tribunal de Madrid, qui a interrogé la Cour de justice sur leur compatibilité avec le droit de l’Union, lequel interdit les entraves à la libre concurrence et à la libre prestation de services.

En ligne avec sa jurisprudence « Bosman », la Cour a souligné que l’organisation des compétitions sportives et l’exploitation des droits médias correspondants constituent des activités économiques relevant du droit de l’Union.

Elle a jugé que les pouvoirs de réglementation, de contrôle et de sanction dont jouissent la FIFA et l’UEFA à l’égard de l’organisation de compétitions de football potentiellement concurrentes telles que le projet Superleague, doivent, sous peine d’enfreindre le droit de la concurrence de l’Union et la libre prestation de services, être exercés de manière transparente, objective, non discriminatoire et proportionnée.

Par ailleurs, la Cour a considéré que les règles de la FIFA et de l’UEFA relatives à l’exploitation des droits médias étaient de nature à se heurter au droit de la concurrence de l’Union si elles ne bénéficient pas aux différents acteurs du football, par exemple, en assurant une redistribution solidaire des revenus générés. La Cour a relevé que ces règles étaient susceptibles de porter préjudice aux clubs européens de football, aux entreprises opérant sur les marchés des médias ainsi qu’aux consommateurs et aux téléspectateurs, en les empêchant de profiter de compétitions nouvelles potentiellement innovantes ou intéressantes.

La jurisprudence « Bosman »

Dans son arrêt historique Bosman du 15 décembre 1995 (C‑415/93), la Cour a jugé que l'exercice d’un sport constitue, en règle générale, une activité économique relevant du droit de l’Union. Elle a également considéré que la libre circulation des travailleurs s’oppose :

  • aux clauses de nationalité adoptées par des fédérations sportives selon lesquelles les clubs sportifs ne peuvent aligner qu'un nombre limité de joueurs professionnels ressortissants d'autres États membres, et
  • aux clauses de transfert édictées par ces fédérations selon lesquelles un joueur professionnel ressortissant d'un État membre ne peut, à l'expiration du contrat qui le lie à un club, être employé par un club d'un autre État membre que si ce dernier a versé au club d'origine une indemnité.

La Cour et le sport

Depuis l’arrêt Bosman, la Cour a eu l’occasion à plusieurs reprises de se prononcer sur les conditions d’exercice d’un sport au regard du droit économique de l’Union :

  • les clauses de nationalité visées par l’arrêt Bosman en ce qui concerne les sportifs ressortissants des États membres ne peuvent pas non plus être appliquées aux sportifs provenant d’un État avec lequel l’Union a conclu un accord d’association ou de partenariat [arrêts Deutscher Handballbund du 8 mai 2003 (C‑438/00) et Simutenkov du 12 avril 2005 (C‑265/03)],
  • la réglementation antidopage du Comité international olympique relève du droit de la concurrence de l’Union mais ne lui est pas contraire car elle est nécessaire pour assurer le bon déroulement des compétitions sportives [arrêt Meca-Medina and Majcen / Commission du 18 juillet 2006 (C‑519/04 P)],
  • les clubs de football peuvent demander une indemnité proportionnée de formation pour les jeunes joueurs qu'ils ont formés lorsque ces joueurs souhaitent conclure leur premier contrat professionnel avec un club d'un autre État membre [arrêt Olympique Lyonnais du 16 mars 2010 (C‑325/08)].

Focus

Protection des données personnelles et lutte contre les infractions en matière de concurrence entre entreprises

Arrêt Meta Platforms Ireland / Commission du 24 mai 2023 (T‑451/20)

Pouvoirs d’enquête de la Commission

Les règles de concurrence de l’Union européenne interdisent les accords entre entreprises, les décisions d'associations d'entreprises et les pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui pourraient empêcher, restreindre ou fausser le jeu de la concurrence au sein du marché intérieur (article 101 du traité sur le fonctionnement de l’UE [TFUE]). Elles interdisent également aux entreprises qui détiennent une position dominante sur un marché d’abuser de cette position, par exemple en pratiquant des prix déloyaux, en limitant la production ou en refusant d'innover au détriment des consommateurs (article 102 TFUE).

Le règlement de l’UE n° 1/2003 joue un rôle crucial dans la mise en œuvre des règles de concurrence. Il confie à la Commission européenne un large pouvoir d’enquête. La Commission peut notamment procéder aux inspections et interroger toute personne susceptible de disposer d'informations utiles.

En 2020, dans le cadre d’une enquête sur un comportement anticoncurrentiel présumé de la part du groupe Facebook, dans son utilisation des données personnelles et dans la gestion de sa plate-forme de réseau social, la Commission a exigé de Meta Platforms Ireland qu’elle lui fournisse tous les documents préparés ou reçus par trois de ses responsables et contenant un ou plusieurs termes spécifiques.

Parmi ces termes figuraient notamment les expressions « big question » (grande question), « for free » (gratuitement), « not good for us » (qui nous est défavorable) et « shut* down » (fermer).

En l’absence de communication de ces renseignements, Meta était soumise à une astreinte potentielle de 8 millions d’euros par jour.

Devant le Tribunal de l’Union européenne, Meta a contesté la légalité de cette demande de renseignements de la Commission européenne. Selon Meta, de tels termes de recherche étaient manifestement trop vagues et trop généraux et relevaient d’une « pêche aux informations » de grande ampleur.

Meta a introduit en même temps une demande en référé afin de suspendre la demande de la Commission dans l’attente de l’arrêt du Tribunal sur le fond de l’affaire.

Le 29 octobre 2020, le président du Tribunal s’est prononcé sur la demande en référé. Il a ordonné la suspension de la décision de la Commission européenne jusqu’à la mise en place d’une procédure spécifique pour la production des documents demandés qui ne présentaient pas de lien avec les activités commerciales de Meta et qui contenaient, en outre, des données à caractère personnel sensibles (« documents protégés »). Donnant suite à cette ordonnance, la Commission a mis en place une procédure de salle de données virtuelle pour ces documents protégés. Selon cette procédure, les documents ne pouvaient être versés au dossier de l’enquête qu’après avoir été examinés dans cette salle virtuelle par un nombre restreint de membres de l’équipe chargée de l’enquête et les avocats de Meta.

Le 24 mai 2023, le Tribunal s’est prononcé sur le fond de l’affaire. Il a rejeté la totalité du recours de Meta.

Dans son arrêt, le Tribunal a rappelé les larges pouvoirs d’enquête de la Commission européenne pour contrôler si les entreprises respectent les règles de concurrence. Dans ce contexte, l'utilisation de termes de recherche spécifiques peut s’avérer utile.

META

Meta est une entreprise technologique multinationale dont le siège est aux États-Unis. Outre Instagram et WhatsApp, l’un de ses produits phares est son réseau social Facebook, qui permet aux utilisateurs inscrits de créer des profils, de télécharger des photos et des vidéos, d'envoyer des messages et d'être en contact avec d'autres personnes. Meta propose également un service d'annonces en ligne, appelé Facebook Marketplace, qui permet aux utilisateurs d'acheter et de vendre des biens.

Le référé

La demande en référé vise à obtenir immédiatement le sursis à l'exécution d'un acte d'une institution, dans l’attente du traitement du recours et de l’arrêt final. Pour que cette mesure provisoire soit ordonnée par le président du Tribunal, le recours ne doit pas apparaître, à première vue, dépourvu de fondement sérieux. Le demandeur doit également démontrer que, en l’absence de sursis à l'exécution, il subirait un préjudice grave et irréparable. Enfin, la décision doit mettre en balance l’intérêt du demandeur avec les intérêts des autres parties et l’intérêt public.

En réponse à l’argument de Meta selon lequel une enquête utilisant des termes de recherches constituait une ingérence dans la vie privée des employés concernés, le Tribunal a estimé qu’il s’agissait d’une mesure appropriée pour atteindre les objectifs d’intérêt général, à savoir le maintien du régime concurrentiel voulu par les traités de l’Union.

Le Tribunal a souligné à cet égard les mesures d’accompagnement qui avaient été prises. En effet, les documents protégés devaient être transmis à la Commission sur un support électronique séparé et placés dans une salle de données virtuelle. Celle-ci était uniquement accessible à un nombre restreint de membres de l’équipe chargée de l’enquête. La sélection des documents à verser au dossier devait s’effectuer en présence des avocats de Meta. En cas de désaccord persistant sur la qualification d’un document, un arbitrage avait lieu.

Affaire T‑452/20

À la même date, la Commission a adopté à l’égard de Meta Platforms Ireland une demande de renseignements dans le cadre de son enquête parallèle sur certaines pratiques relatives à la plate-forme Facebook Marketplace. Le recours en annulation introduit par Meta Platforms Ireland contre cette décision a été rejeté par le Tribunal dans un arrêt du même jour dans l’affaire T‑452/20.

Meta a introduit des pourvois devant la Cour de justice contre les arrêts T‑451/20 et T‑452/20 du Tribunal (affaires pendantes C‑497/23 P et C‑496/23 P).

Focus

Protection des entreprises européennes contre les sanctions extraterritoriales des États-Unis

Arrêt IFIC Holding / Commission du 12 juillet 2023 (T‑8/21)

L’effet extraterritorial des lois adoptées par des États tiers

On parle d’extraterritorialité d’une législation lorsque son effet s’étend au-delà des frontières de l’État qui l’a adoptée. La loi de blocage de l’Union européenne (règlement du Conseil (CE) n° 2271/96) protège les opérateurs économiques de l’Union contre l’application extraterritoriale de lois des pays tiers. L'Union européenne a adopté cette loi en 1996 pour protéger les entreprises européennes dont les activités commerciales avec Cuba, l'Iran ou la Libye étaient visées par les États-Unis.

En 2018, en réaction au retrait des États-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien, l’Union a mis à jour sa loi de blocage afin d'y inclure les sanctions américaines extraterritoriales nouvellement réimposées. Cette démarche s’inscrit dans le cadre du soutien de l’Union à la mise en œuvre continue et complète de l’accord sur le nucléaire iranien, notamment en soutenant les relations commerciales et économiques entre l’Union et l’Iran.

En 2018, les États-Unis se sont retirés de l’accord sur le nucléaire iranien, qui avait pour objet le contrôle du programme nucléaire iranien en contrepartie d’une levée des sanctions économiques contre l’Iran. À la suite de ce retrait, les États-Unis ont rétabli les sanctions à l’encontre de l’Iran et d’une liste de personnes dont les avoirs ont été bloqués. Il était également de nouveau interdit de commercer avec toute personne ou entité figurant sur la liste établie par les autorités américaines. Cette interdiction s’appliquait aussi à des entreprises établies en dehors des États-Unis, parmi lesquelles des entreprises européennes.

En réponse à cette réintroduction des sanctions, l’Union européenne a mis à jour sa loi dite « de blocage » pour sauvegarder les intérêts de ses entreprises. Aussi, pour protéger les entreprises européennes contre les effets de l’application extraterritoriale des sanctions américaines, il leur a été interdit de se conformer à ces sanctions sauf autorisation de la Commission européenne. À noter que cette autorisation peut être accordée lorsque le non-respect des sanctions étrangères est de nature à léser gravement les intérêts de l’entreprise concernée ou ceux de l’Union.

IFIC Holding AG est une société allemande indirectement détenue par l’État iranien qui a été ajoutée à la liste en 2018. À la suite de cette inscription, Clearstream Banking AG, la seule banque dépositaire de titres autorisée en Allemagne, a interrompu le versement à IFIC des dividendes que celle-ci reçoit de différentes entreprises allemandes dans lesquelles elle détient des participations, et les a bloqués sur un compte séparé.

Clearstream a par ailleurs demandé à la Commission l’autorisation de se conformer aux sanctions américaines en ce qui concerne les titres ou les fonds d’IFIC. Initialement, la Commission a accordé cette autorisation, au mois d’avril 2020, pour 12 mois, puis elle l’a renouvelée en 2021 et en 2022. IFIC a contesté ces décisions en introduisant un recours en annulation devant le Tribunal.

Le Tribunal a rejeté le recours d’IFIC, autorisant ainsi Clearstream Banking AG à se conformer aux sanctions américaines imposées à l’Iran. Le Tribunal a considéré que si la Commission était tenue de prendre en considération les intérêts de l’entreprise qui demande l’autorisation (Clearstream), elle n’était pas obligée de prendre en compte les intérêts de l’entreprise inscrite sur la liste (IFIC) ou d’explorer d’autres possibilités moins contraignantes pour elle. Il a également estimé que les objectifs poursuivis par l’Union européenne dans le contexte de sanctions extraterritoriales d’un pays tiers justifiaient la limitation du droit d’IFIC à être entendue au cours du processus décisionnel précédant l’adoption, par la Commission, de son autorisation.

Le recours en annulation

Le recours en annulation vise à faire annuler des actes des institutions de l’Union contraires au droit de l’Union. Sous certaines conditions, les États membres, les institutions européennes et les particuliers peuvent saisir la Cour de justice ou le Tribunal d’un recours en annulation. Si le recours est fondé, l’acte est annulé. L’institution concernée doit alors remédier à un éventuel vide juridique créé par l’annulation de l’acte.

Affaire Bank Melli Iran (C‑124/20)

Dans cette autre affaire, BMI, une banque d'État iranienne, a invoqué la loi de blocage devant les tribunaux allemands pour contester l'application des sanctions américaines en Allemagne. La Cour de justice, saisie pour la première fois dans le contexte de la loi de blocage de l'Union européenne, a jugé que l'interdiction prévue par le droit de l'Union de se conformer aux sanctions imposées par les États-Unis à l'encontre de l'Iran pouvait être invoquée devant les juridictions nationales dans le cadre d'une procédure civile.

Retour sur les grands arrêts de l’année

Consommateurs


La politique européenne des consommateurs vise à protéger la santé, la sécurité et les intérêts économiques et juridiques des consommateurs quel que soit le lieu où ils résident ou se déplacent ou d’où ils effectuent leurs achats à l’intérieur de l’Union.


La Cour de justice : garantir les droits des consommateurs de l’Union européenne

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  • Un particulier a poursuivi Mercedes-Benz Group, considérant que le groupe lui a causé un préjudice en équipant son véhicule d’un logiciel (dénommé dispositif d’invalidation) réduisant les taux de recyclage des gaz d’échappement par temps froid. Selon lui, ce logiciel a des conséquences néfastes pour l’environnement et est contraire au droit de l’Union. En droit allemand, en cas de simple négligence, un droit à réparation peut être reconnu lorsqu’une loi destinée à protéger autrui a été violée. Une juridiction allemande a ainsi demandé à la Cour de justice si le droit de l’Union protège les intérêts particuliers de l’acheteur individuel d’un tel véhicule. La Cour a jugé que le droit de l’Union établit un lien direct entre le constructeur automobile et l’acheteur individuel d’un véhicule à moteur. Ainsi, l’acheteur d’un véhicule à moteur équipé d’un dispositif d’invalidation illicite bénéficie d’un droit à réparation de la part du constructeur automobile lorsque ce dispositif a causé un dommage à cet acheteur.

    Arrêt Mercedes-Benz Group du 21 mars 2023 (C‑100/21)

  • Un tribunal espagnol a saisi la Cour de justice quant à la compatibilité avec le droit de l’Union de la réglementation locale relative aux services de location de véhicules de tourisme avec chauffeur (« VTC ») dans l’agglomération de Barcelone. Cette réglementation exige que les entreprises qui disposent déjà d’une autorisation pour fournir ces services au niveau national obtiennent une licence supplémentaire pour pouvoir opérer dans l’agglomération de Barcelone. Elle limite également le nombre de licences de services de VTC à un trentième des licences de services de taxi accordées pour cette agglomération. La Cour de justice a jugé que l’obtention d’une licence supplémentaire à celle prévue au niveau national peut s’avérer nécessaire pour la bonne gestion du transport, mais que la limitation du nombre de licences de services de VTC constitue une restriction injustifiée à la liberté d’établissement et est, par conséquent, contraire au droit de l’Union.

    Arrêt Prestige and Limousine du 8 juin 2023 (C‑50/21)

  • Un cycliste utilisant un vélo à assistance électrique sur la voie publique près de Bruges (Belgique) a été renversé par une voiture et est décédé quelques mois plus tard. Lors de la procédure judiciaire visant à établir un éventuel droit à indemnisation, un différend est survenu concernant la question de savoir si un vélo à assistance électrique devait être qualifié de « véhicule ». Cette qualification (qui dépend de l’interprétation d’une directive européenne) est cruciale pour déterminer si la victime était conductrice d’un « véhicule automoteur » ou si elle pouvait prétendre à une indemnisation automatique en tant qu’« usager faible de la route » conformément au droit belge. Dans son arrêt, la Cour de justice a considéré qu’un vélo à assistance électrique n’était pas soumis à l’obligation d’assurance des véhicules automoteurs, car il n’était pas actionné exclusivement par une force mécanique. En effet, les engins qui ne sont pas actionnés exclusivement par une force mécanique, tel qu’un vélo à assistance électrique qui peut accélérer jusqu’à une vitesse de 20 km/h moyennant une impulsion musculaire initiale, n’apparaissent pas de nature à causer des dommages corporels ou matériels comparables à ceux que peuvent causer les motocycles, les voitures, les camions ou d’autres véhicules actionnés exclusivement par une force mécanique, ces derniers pouvant rouler sensiblement plus vite.

    Arrêt KBC Verzekeringen du 12 octobre 2023 (C‑286/22)

  • La pandémie de Covid-19 a conduit plusieurs États membres, dont la Slovaquie, à adopter des mesures relatives au remboursement, par les agences de voyage, de séjours annulés pour des motifs sanitaires. Ces réglementations nationales permettent l’émission de bons à valoir utilisables pendant dix-huit mois, remboursés uniquement à l’expiration de ce délai. Les risques d’insolvabilité et les difficultés auxquels sont confrontés les organisateurs de voyages ont été mis en avant pour justifier ces initiatives. La Cour de justice a jugé que les États membres ne pouvaient invoquer la force majeure pour déroger à l’obligation de remboursement intégral prévue par la directive « Voyages à forfait ». Elle a considéré que la restitution de la valeur du voyage doit se faire sous forme d’argent : les agences de voyages ne peuvent pas proposer de bons à valoir, sauf à ce que le voyageur accepte volontairement une telle modalité. En adoptant une modification législative privant temporairement les voyageurs de leur droit de résilier un contrat de voyage à forfait sans frais et de recevoir un remboursement intégral, la Slovaquie a donc manqué à l’obligation qui lui incombe en vertu du droit de l’Union.

    Arrêts UFC que Choisir et CLCV (C‑407/21) et Commission / Slovaquie du 8 juin 2023 (C‑540/21)

Environnement

L'Union s’engage pour préserver et améliorer la qualité de l’environnement et à protéger la santé humaine. Elle repose sur les principes de précaution et de prévention ainsi que sur le principe du « pollueur-payeur ».


La Cour de justice et l’environnement

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  • En 2018, la Cour avait jugé que la Roumanie avait l’obligation de mettre un terme au déversement illégal de déchets et de fermer 68 décharges non autorisées. En 2022, estimant que la Roumanie ne s’était toujours pas conformée à l’arrêt de 2018, la Commission a introduit un nouveau recours en manquement. La Cour a constaté que la Roumanie maintient encore 31 sites non autorisés. La Roumanie est donc condamnée à payer 1,5 million d’euros et 600 euros par jour de retard pour chaque décharge non autorisée. En fixant cette amende, la Cour a tenu compte de la gravité de l’infraction, de sa durée et de la capacité de paiement de la Roumanie. Le non-respect de l’arrêt de 2018 comporte un risque sérieux de pollution et de graves impacts sur la santé humaine, en raison de la libération de substances nocives dans le sol, l’air et l’eau.

    Arrêt Commission / Roumanie du 14 décembre 2023 (C‑109/22)

Données à caractère personnel

L’Union européenne est dotée d’une réglementation solide et cohérente pour la protection des données à caractère personnel. Le traitement et la conservation de ces données doivent correspondre aux conditions de licéité prévues par la réglementation, notamment se limiter au strict nécessaire et ne pas porter atteinte de manière disproportionnée au droit à la vie privée.


La Cour de justice dans le monde numérique

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  • En se fondant sur le RGPD, un citoyen a demandé à l’Österreichische Post, le principal opérateur de services postaux et logistiques en Autriche, de lui indiquer l’identité des destinataires auxquels cet opérateur avait communiqué ses données personnelles. La Cour suprême autrichienne a demandé à la Cour de justice si le RGPD offre à la personne concernée le droit de connaître l’identité concrète des destinataires. La Cour de justice a répondu que, lorsque les données à caractère personnel ont été ou seront communiquées à des destinataires, le responsable du traitement est obligé de fournir à la personne concernée, à sa demande, l’identité même de ces destinataires. Ce n’est que lorsqu’il n’est pas (encore) possible d’identifier ces destinataires que le responsable du traitement peut se limiter à indiquer uniquement les catégories de destinataires en cause. C’est également le cas lorsque ce responsable démontre que la demande est manifestement infondée ou excessive.

    Arrêt Österreichische Post du 12 janvier 2023 (C‑154/21)

  • En 2014, un salarié, également client de la banque Pankki S, a appris que ses données à caractère personnel avaient été consultées à plusieurs reprises par d’autres employés de la banque. Ayant des doutes sur la licéité de ces consultations, ce salarié, entre-temps licencié par Pankki S, a demandé à celle-ci de lui communiquer l’identité des personnes ayant consulté ses données, les dates exactes ainsi que les raisons des consultations. Pankki S a refusé de révéler l’identité des salariés au motif que ces informations constituaient des données à caractère personnel de ces salariés. Interrogée par un tribunal finlandais, la Cour de justice a jugé que toute personne a le droit de connaître la date et les raisons pour lesquelles ses données à caractère personnel ont été consultées et que la circonstance que le responsable du traitement exerce une activité bancaire est sans incidence sur l’étendue de ce droit.

    Arrêt Pankki S du 22 juin 2023 (C‑579/21)

  • Interrogée par la juridiction administrative suprême de Lituanie, la Cour de justice a jugé que la directive « vie privée et communications électroniques » s’oppose à l’utilisation, dans des enquêtes sur la corruption du service public, de données issues des communications électroniques qui ont été conservées par les fournisseurs de services de communications électroniques, puis mises à la disposition des autorités à des fins de lutte contre la criminalité grave. En outre, des données relatives au trafic et à la localisation, conservées par des fournisseurs à des fins de lutte contre la criminalité grave et mises à la disposition des autorités, ne peuvent pas être transmises a posteriori à d’autres autorités pour lutter contre des fautes de service apparentées à la corruption.

    Arrêt Lietuvos Respublikos generalinė prokuratūra du 7 septembre 2023 (C‑162/22)

  • Un patient a demandé à sa dentiste de lui fournir gratuitement une copie de son dossier médical, mais la dentiste a exigé qu’il prenne en charge les frais liés à la fourniture de cette copie. Estimant avoir droit à une copie gratuite, le patient a saisi les juridictions allemandes. En réponse à la question préjudicielle qui lui a été soumise, la Cour de justice a rappelé que le RGPD consacre le droit du patient à obtenir une première copie de son dossier médical sans que cela entraîne, en principe, des frais et que le responsable du traitement pouvait exiger un paiement uniquement pour les prochaines copies. Ainsi, un dentiste a l’obligation de fournir gratuitement une première copie des données du patient sans que ce dernier doive justifier sa demande.

    Arrêt FT (Copie du dossier médical) du 26 octobre 2023 (C‑307/22)

Égalité de traitement et droit du travail

L'Union européenne compte plus de 240 millions de travailleurs. Un grand nombre de citoyens bénéficient donc directement des dispositions du droit du travail européen qui fixe des normes minimales en matière de conditions de travail et d'emploi et complète ainsi les politiques menées par les États membres.


La Cour de justice : garantir l’égalité de traitement et protéger les droits des minorités

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La Cour de justice sur le lieu de travail – protéger les droits des travailleurs

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  • Interrogée par une juridiction polonaise, la Cour de justice a rappelé que la protection contre la discrimination, offerte par la directive 2000/78 sur l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, s’applique à toute activité professionnelle réelle et exercée dans le cadre d’une relation juridique stable. Elle s’applique aussi à une activité effectuée par un entrepreneur indépendant travaillant sur la base d’un contrat d’entreprise. La décision de rompre et de ne pas renouveler un tel contrat place un travailleur indépendant dans une situation comparable à celle d’un salarié licencié. Par ailleurs, la Cour de justice a souligné que la liberté contractuelle ne saurait justifier le refus de contracter avec une personne en raison de son orientation sexuelle.

    Arrêt TP (Monteur audiovisuel pour la télévision publique) du 12 janvier 2023 (C‑356/21)

  • Un pilote allemand travaillait à temps partiel pour une compagnie aérienne et son contrat de travail prévoyait une rémunération de base qui dépendait du temps de service de vol. Il pouvait également bénéficier d’une rémunération supplémentaire s’il effectuait un certain nombre d’heures de service de vol dans le mois et s’il dépassait certains seuils fixés dans son contrat. Or, ces seuils étaient identiques pour les pilotes travaillant à temps plein et pour ceux travaillant à temps partiel. Une juridiction allemande a interrogé la Cour de justice sur la question de savoir si des règles nationales exigeant qu’un travailleur à temps partiel accomplisse le même nombre d’heures de travail qu’un travailleur à temps plein afin d’obtenir une rémunération supplémentaire constituaient une discrimination interdite au regard du droit de l’Union. La Cour de justice a répondu par l’affirmative, soulignant que l’obtention d’une rémunération majorée pour le dépassement d’un certain nombre d’heures de travail ne peut défavoriser le travailleur à temps partiel.

    Arrêt Lufthansa CityLine du 19 octobre 2023 (C‑660/20)

  • Un conducteur de train employé par MÁV-START, la société ferroviaire nationale hongroise, a contesté la décision de son employeur de ne pas lui accorder une période de repos journalier d’au moins onze heures consécutives. En vertu de la directive sur l’aménagement du temps de travail, cette période de repos doit être accordée au travailleur au cours de chaque période de 24 heures, lorsque cette période précède ou suit une période de repos hebdomadaire ou une période de congé. La Cour de justice a relevé que les périodes de repos journalier et hebdomadaire constituaient deux droits autonomes qui poursuivaient des objectifs distincts. La période de repos journalier ne fait pas partie de la période de repos hebdomadaire mais s’y ajoute, même si elle la précède directement. Par conséquent, il est nécessaire de garantir aux travailleurs la jouissance effective de chacun de ces droits.

    Arrêt MÁV-START du 2 mars 2023 (C‑477/21)

Citoyenneté européenne

Toute personne ayant la nationalité d’un État de l’Union est automatiquement un citoyen de l’Union européenne. La citoyenneté de l’Union s’ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas. Les citoyens de l’Union européenne bénéficient de droits spécifiques garantis par les traités européens.

  • La fille d’une mère danoise et d’un père américain ayant la double nationalité danoise et américaine depuis sa naissance aux États-Unis, a demandé au Danemark, à l’âge de 22 ans, le maintien de sa nationalité danoise, ce qui lui a été refusé en vertu de la réglementation danoise applicable. Interrogée par un tribunal danois sur la compatibilité de cette réglementation avec le droit de l’Union, la Cour de justice a jugé que le Danemark peut, en principe, prévoir que ses ressortissants nés à l’étranger et n’ayant jamais vécu sur son territoire perdent la nationalité danoise à l’âge de 22 ans. Toutefois, cette mesure doit respecter le principe de proportionnalité lorsqu’elle entraîne également la perte de la citoyenneté européenne. C’est le cas si la personne concernée ne possède pas la nationalité d’un autre État membre. Ainsi, le droit de l’Union s’oppose à la perte définitive de la nationalité danoise, et donc de la citoyenneté européenne, sans que la personne concernée en ait été informée, ni qu’elle ait eu la possibilité de demander un examen individuel des conséquences de cette perte.

    Arrêt Udlændinge- og Integrationsministeriet du 5 septembre 2023 (C‑689/21)

Migration

L’Union européenne a adopté un ensemble de règles pour mettre en place une politique migratoire européenne efficace, humanitaire et sûre. Le régime d'asile européen commun définit des normes minimales applicables au traitement des tous les demandeurs d’asile et de leurs demandes dans l’ensemble de l’Union.

  • Deux ressortissants syriens, Mme X et M. Y, se sont mariés au cours de l’année 2016 en Syrie et ont eu deux enfants. En 2019, M. Y a quitté la Syrie pour la Belgique, tandis que Mme X et leurs deux enfants sont restés en Syrie. En 2022, l’administration belge a reconnu à M. Y le statut de réfugié en Belgique. L’avocat de Mme X et des enfants a demandé, par courrier électronique, le regroupement familial pour rejoindre M. Y en Belgique, indiquant que les circonstances exceptionnelles dans le nord-ouest de la Syrie les empêchaient de se rendre à un poste diplomatique belge pour y introduire la demande. L’Office des étrangers a répondu que la législation belge s’opposait aux demandes par courrier électronique et a invité Mme X et ses enfants à contacter l’ambassade belge. Interrogée par un tribunal belge, la Cour de justice a jugé que la législation belge imposant une présence personnelle à un poste diplomatique pour une demande de regroupement familial était contraire au droit de l’Union. La réglementation peut néanmoins prévoir la possibilité d’exiger la comparution personnelle à un stade ultérieur.

    Arrêt Afrin du 18 avril 2023 (C‑1/23 PPU)

  • La Hongrie a instauré une loi qui obligeait les personnes de pays tiers ou apatrides se trouvant sur son territoire ou se présentant à ses frontières à se rendre d’abord à l'une de ses ambassades à l'étranger, en Serbie ou en Ukraine, pour y déposer une déclaration et obtenir une autorisation d’entrée sur le territoire, avant de pouvoir y solliciter une protection internationale. La Cour de justice a jugé que la Hongrie avait créé des obstacles déraisonnables pour les demandeurs d'asile, allant à l'encontre des principes fondamentaux de l'Union, en rendant la demande d’asile excessivement complexe. Cette mesure ne peut pas être justifiée par la lutte contre les maladies contagieuses dans le contexte de la pandémie de Covid-19 car elle disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi.

    Arrêt Commission / Hongrie du 22 juin 2023 (C‑823/21)

État de droit

La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, tout comme le traité sur l’Union européenne, fait expressément référence à l’État de droit, l’une des valeurs communes aux États membres. L’indépendance et l’impartialité des juridictions est un élément essentiel de l’État de droit.


Faire respecter l’État de droit dans l‘Union

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  • La Commission a contesté la réforme de la justice polonaise de décembre 2019 auprès de la Cour de justice. Celle-ci a fait droit au recours de la Commission, rappelant que les États membres sont tenus d’éviter toute régression, au regard de la valeur de l’État de droit, de leur législation en matière d’organisation de la justice. La Cour de justice a jugé incompatible avec le droit de l’Union le fait que les juges nationaux, eux-mêmes appelés à appliquer le droit de l’Union, risquent de voir les questions relatives à leur statut et à l’exercice de leurs fonctions tranchées par une juridiction qui ne répond pas à l’exigence d’indépendance et d’impartialité. En outre, les juges nationaux ne peuvent pas être empêchés d’apprécier si une juridiction ou un juge répond aux exigences de protection juridictionnelle effective découlant du droit de l’Union, le cas échéant en interrogeant la Cour à titre préjudiciel. Enfin, les dispositions nationales imposant aux juges de révéler leur appartenance éventuelle à une association, à une fondation sans but lucratif ou à un parti politique, et prévoyant la mise en ligne de ces informations, sont contraires à la protection des données à caractère personnel et au respect de la vie privée.

    Arrêt Commission I Pologne du 5 juin 2023 (C‑204/21)

Propriété intellectuelle

La réglementation adoptée par l’Union pour protéger la propriété intellectuelle (droits d’auteur) et industrielle (droit des marques, protection des dessins et modèles) améliore la compétitivité des entreprises en favorisant un environnement propice à la créativité et à l’innovation.


La propriété intellectuelle et le Tribunal de l’Union européenne

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  • La demande d’enregistrement international du signe verbal « EMMENTALER » a été rejetée par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO). Emmentaler Switzerland a contesté cette décision, qui a de nouveau été confirmée par l’EUIPO en raison du caractère descriptif de la marque. Dans son arrêt, le Tribunal a rejeté le recours formé par Emmentaler Switzerland, considérant que le public allemand comprend immédiatement le signe EMMENTALER comme désignant un type de fromage, ce qui en fait une marque descriptive. En effet, pour qu’un signe soit refusé à l’enregistrement, il suffit que celui-ci ait un caractère descriptif dans une partie de l’Union. Le terme « EMMENTALER » ne peut donc pas être protégé en tant que marque de l’Union européenne pour des fromages.

    Arrêt Emmentaler Switzerland / EUIPO (EMMENTALER) du 24 mai 2023 (T‑2/21)

  • L’enregistrement du logo de Batman en tant que marque de l’Union européenne a été contesté devant le Tribunal par un producteur italien de vêtements de carnaval. Le Tribunal a jugé que les preuves présentées par celui-ci ne suffisaient pas à démontrer que cette marque, représentant une chauve-souris dans un cadre ovale, était dépourvue de caractère distinctif. C’est ce caractère distinctif qui permet au public d’associer les produits couverts par la marque à l’éditeur de Batman, DC Comics, et de les distinguer de ceux d’autres entreprises.

    Arrêt Aprile e Commerciale Italiana / EUIPO - DC Comics du 7 juin 2023 (T‑735/21)

  • Dans le cadre d’un litige entre des organismes roumains de gestion des droits d’auteur et un transporteur aérien, la Cour de justice a jugé que la diffusion dans un moyen de transport de passagers d’une œuvre musicale à des fins de musique d’ambiance constitue une communication au public au sens du droit de l’Union. En revanche, la simple installation, à bord d’un moyen de transport, d’un équipement de sonorisation et, le cas échéant, d’un logiciel permettant la diffusion de musique d’ambiance n’en constitue pas une. Par conséquent, le droit de l’Union s’oppose à une réglementation nationale qui établit une présomption de communication d’œuvres musicales au public fondée sur la seule présence de systèmes de sonorisation dans des moyens de transport.

    Arrêts Blue Air Aviation et UPFR du 20 avril 2023 (affaires jointes C‑775/21 et C‑826/21)

  • À la suite d’un litige devant l’Office de l’Union européenne pour la propriété Intellectuelle (EUIPO) concernant l’enregistrement du signe tridimensionnel d’un scooter « Vespa », Piaggio a introduit un recours devant le Tribunal. Piaggio avait présenté à EUIPO plusieurs éléments de preuve pertinents, tels que des sondages d’opinion, des données relatives au volume des ventes, ainsi que la présence de la « Vespa » au Museum of Modern Art de New York, l’utilisation des scooters « Vespa » dans des films mondialement connus tels que « Vacances romaines » ou encore la présence de clubs « Vespa » dans de nombreux États membres. Selon Piaggio, ces éléments attestent le caractère iconique de la « Vespa » et donc sa reconnaissance globale dans l’ensemble de l’Union. Le Tribunal a donné raison à Piaggio, en affirmant que les éléments de preuve démontraient le caractère distinctif acquis par l’usage de la marque dans l’ensemble de l’Union.

    Arrêt Piaggio & C. / EUIPO - Zhejiang Zhongneng Industry Group du 29 novembre 2023 (T‑19/22)

Mesures restrictives et politique étrangère

Les mesures restrictives ou « sanctions » constituent un instrument essentiel de la politique étrangère et de sécurité commune de l'Union européenne afin de préserver ses valeurs, ses intérêts fondamentaux et sa sécurité. Les sanctions cherchent à susciter un changement de politique ou de comportement de la part des entités ou personnes visées.

  • Belaeronavigatsia, entreprise d’État biélorusse chargée de la régulation de l’espace aérien, a été inscrite sur les listes de sanctions du Conseil de l’Union européenne en raison de sa responsabilité dans le détournement, le 23 mai 2021, du vol FR4978 vers l’aéroport de Minsk ayant conduit à l’arrestation de deux opposants au régime qui se trouvaient à bord (Raman Pratasevitch et Sofia Sapega). Interprétant pour la première fois la notion de « personne responsable de la répression », le Tribunal a rejeté le recours de Belaeronavigatsia en considérant que l’entreprise étatique ne pouvait ignorer que ce détournement contribuait à la répression de la société civile et de l’opposition démocratique en Biélorussie.

    Arrêt Belaeronavigatsia / Conseil du 17 février 2023 (T‑536/21)

  • En réponse à l’annexion illégale de la Crimée et de la ville de Sébastopol par la Russie en mars 2014, le Conseil de l’Union européenne a adopté, le 17 mars 2014, une série de mesures restrictives. À la suite du déclenchement de la guerre à grande échelle menée par la Russie contre l’Ukraine en février 2022, le Conseil a ajouté sur les listes des personnes et entités visées par les mesures restrictives des membres du gouvernement, des banques, des hommes d’affaires et des membres de l’Assemblée fédérale (Douma d’État). En particulier, le Conseil a ajouté le nom de Mme Violetta Prigozhina, la mère de M. Yevgeniy Prigozhin, responsable du déploiement des mercenaires du groupe Wagner combattant pour la Russie en Ukraine. Le Tribunal a accueilli la demande d’annulation des actes du Conseil dirigés contre Mme Prigozhina, estimant que son inscription sur les listes reposait uniquement sur sa relation de parenté avec son fils, ce qui n’est pas suffisant pour justifier de telles mesures.

    Arrêt Prigozhina/Conseil 8 mars 2023 (T‑212/22)

  • Face à la détérioration des droits de l’homme, de l’État de droit et de la démocratie au Venezuela, le Conseil de l’Union européenne a adopté, en 2017, des mesures restrictives en raison de la situation dans cet État. En 2019, le Tribunal a rejeté un recours du Venezuela contre ces mesures, car la situation juridique de cet État n’était pas directement affectée par ces mesures litigieuses. Saisie d’un pourvoi, la Cour de justice a annulé cet arrêt du Tribunal en 2021 et lui a renvoyé l’affaire pour un nouvel examen. Par son arrêt de 2023, le Tribunal a rejeté l’ensemble des moyens avancés par le Venezuela visant à annuler lesdites mesures restrictives.

    Arrêt Venezuela / Conseil du 13 Septembre 2023 (T‑65/18 RENV)

  • M. Roman Arkadyevich Abramovich est un homme d’affaires de nationalité russe, israélienne et portugaise. Il est le principal actionnaire de la société mère d’Evraz qui est l’un des principaux groupes russes dans le domaine de la sidérurgie et des mines ainsi que l’un des plus grands contribuables russes. À la suite de l’attaque de la Russie contre l’Ukraine, le Conseil a gelé les fonds et a proscrit l’entrée dans l’Union européenne ou le transit de femmes et hommes d’affaires influents qui exercent des activités dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Russie. M. Abramovich a contesté devant le Tribunal son inscription et son maintien sur les listes des mesures restrictives visant à accroître la pression sur la Russie. Le Tribunal a rejeté le recours de M. Abramovich en confirmant ainsi les mesures restrictives prises contre lui.

    Arrêt Abramovich / Conseil du 20 décembre 2023 (T‑313/22)

Politique commerciale

La politique commerciale est une compétence exclusive de l'UE. L’Union légifère sur les questions commerciales et conclut des accords commerciaux internationaux. Le fait que l'Union agisse de concert en s'exprimant d'une seule voix sur la scène mondiale la place dans une position de force en matière de commerce international.

  • En 2020, les États-Unis ont augmenté les droits de douane sur les importations de certains produits européens en aluminium et en acier. À titre de réponse, la Commission a adopté un règlement imposant des droits de douane supplémentaires sur les importations dans l’Union de certains produits originaires des États-Unis. Zippo Manufacturing Co., un fabricant américain de briquets frappés par cette augmentation, a contesté cette mesure devant le Tribunal, qui a annulé ce règlement. Selon le Tribunal, la Commission a méconnu le droit de Zippo d’être entendu et, par conséquent, le principe de bonne administration. La Commission aurait dû entendre Zippo avant de procéder à une telle augmentation, puisqu’elle savait, avant son adoption, que l’augmentation des droits de douane concernait principalement les briquets de Zippo.

    Arrêt Zippo Manufacturing e.a. / Commission du 18 octobre 2023 (T‑402/20)

Tax rulings

Les impositions directes relèvent en principe de la compétence des États membres. Néanmoins, elles doivent respecter les règles de base de l’Union européenne, telles que l’interdiction des aides d’État. Ainsi, l’Union veille à la légalité des décisions fiscales anticipatives (tax rulings) des États membres qui accordent à des entreprises un traitement fiscal particulier.

  • Par le biais d’une décision fiscale anticipative (tax ruling) de 2003, les autorités luxembourgeoises ont accepté la proposition du groupe Amazon concernant le traitement d’une filiale établie au Luxembourg en matière d’impôt sur les sociétés. La Commission a considéré que ce tax ruling constituait une aide d’État incompatible avec le marché intérieur. À la suite des actions judiciaires du Luxembourg et d’Amazon, le Tribunal a annulé la décision de la Commission, estimant que celle-ci n’avait pas démontré que la filiale d’Amazon avait bénéficié d’une réduction indue de sa charge fiscale. La Cour de justice a rejeté le pourvoi de la Commission contre l’arrêt du Tribunal, estimant que celle-ci avait erronément déterminé le « système de référence » en vue d’apprécier l’existence d’une telle aide.

    Arrêt Commission / Amazon.com e.a. du 14 décembre 2023 (C‑457/21 P)

  • En 2018, la Commission a constaté que les autorités fiscales luxembourgeoises avaient accordé des tax rulings au groupe Engie qui, selon elle, lui auraient permis d’éviter l’imposition sur les bénéfices réalisés par ses filiales établies au Luxembourg. La Commission a considéré que ces tax rulings constituaient des aides d’État incompatibles avec le marché intérieur. Le Tribunal ayant rejeté leurs recours, Engie et le Luxembourg ont formé un pourvoi devant la Cour de justice, qui a jugé que la Commission avait commis une erreur en déterminant le « système de référence » visant à apprécier la sélectivité de ces mesures fiscales et, donc, en les qualifiant d’aides d’État interdites.

    Arrêts Luxembourg / Commission et Engie Global LNG Holding e.a. / Commission (affaires jointes C‑451/21 P et C‑454/21 P)

Concurrence

L’Union européenne assure le respect de règles qui protègent la libre concurrence. Les pratiques qui ont pour objet ou effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence au sein du marché intérieur sont interdites et peuvent être sanctionnées par des amendes.

  • La Commission a enquêté sur le blocage géographique de certains jeux vidéo pour PC sur la plate-forme Steam. Elle a constaté que l’exploitant de cette plate-forme, Valve, et cinq éditeurs de jeux (Bandai, Capcom, Focus Home, Koch Media et ZeniMax) avaient enfreint le droit de la concurrence de l’Union. La Commission a reproché à Valve et aux cinq éditeurs d’avoir participé à un ensemble d’accords anticoncurrentiels ou de pratiques concertées. Ceux-ci auraient visé à restreindre les ventes transfrontalières par la mise en place de fonctionnalités de contrôle territorial, en particulier dans les pays baltes ainsi que dans certains pays d’Europe centrale et d’Europe de l’Est. Valve a contesté la décision de la Commission devant le Tribunal. Le Tribunal a rejeté le recours en considérant que la Commission avait correctement établi l’existence d’un accord entre Valve et chacun des cinq éditeurs visant à restreindre des importations parallèles par le géoblocage des clés d’activation des jeux vidéo en cause sur la plate-forme Steam. Ce géoblocage visait à empêcher que les jeux vidéo, distribués dans certains pays à des prix bas, soient achetés par des distributeurs ou des utilisateurs se trouvant dans d’autres pays où les prix sont nettement plus élevés.

    Arrêt Valve Corporation / Commission du 27 septembre 2023 (T‑172/21)

Accès aux documents

La transparence de la vie publique est un principe clé de l’Union. Tout citoyen ou personne morale de l’Union peut, en principe, accéder aux documents des institutions. Toutefois, dans certains cas, cet accès peut être refusé s’il est justifié.

  • M. Emilio De Capitani a demandé l’accès à certains documents échangés au sein du groupe de travail « Droit des sociétés » du Conseil de l’Union européenne concernant la procédure législative visant à modifier la directive 2013/34 sur les états financiers annuels. Le Conseil a refusé l’accès au motif que leur divulgation porterait gravement atteinte à son processus décisionnel tout en estimant que la nature des informations était trop sensible et trop technique pour qu’elles puissent être divulguées. M. De Capitani a contesté cette décision devant le Tribunal. Le Tribunal a examiné, dans le contexte des procédures législatives de l’Union européenne, la conciliation des principes de publicité et de transparence avec l’exception à la divulgation des documents pour protéger le processus décisionnel. Le Tribunal a souligné que, dans un système fondé sur le principe de légitimité démocratique, le législateur doit répondre de ses actes à l’égard du public. L’exercice par les citoyens de leurs droits démocratiques présuppose la possibilité de suivre en détail le processus décisionnel au sein des institutions participant aux procédures législatives. Le Tribunal a donc annulé la décision du Conseil refusant l’accès aux documents de travail sur la directive.

    Arrêt De Capitani / Conseil du 25 janvier 2023 (T‑163/21)

La direction de la Recherche et de la documentation propose aux professionnels du droit, dans le cadre de sa Collection des résumés, une « Sélection des grands arrêts » et un « Bulletin mensuel de jurisprudence » de la Cour de justice et du Tribunal.

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